Il était une fois ... l'hydrogène naturel
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19.10.2022

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Pour embrasser d’un seul regard l’ensemble des défis que va devoir affronter la thermodynamique appliquée dans les prochaines années, un groupe d’experts affilié à la fédération européenne de l’ingénierie chimique (European Federation of Chemical Engineering), et coordonné par un chercheur IFPEN, a publié un document de synthèse « A View on the Future of Applied Thermodynamics ».

> Télécharger l’étude (PDF  - 1,8 Mo)

La thermodynamique appliquée permet de décrire l’évolution temporelle d’un système en prenant en compte ses échanges de matière et d’énergie avec l’environnement. Les applications vont de la chimie (mélange de corps en interaction) à la mécanique, la physique et l'énergétique.


Tour d’horizon des points saillants de cette synthèse :

Un recours accru à des ressources nouvelles pour toujours plus de nouveaux produits

Les industries se transforment et font une large place à l’économie circulaire. En effet, les déchets constituent un énorme potentiel de recyclage. Les plastiques, le lithium des batteries usagées, les débris végétaux, les catalyseurs pourraient ainsi, par exemple, être recyclés indéfiniment, à la condition d’avoir accès à une source d’énergie.  Cependant, pour ce faire, il est nécessaire de concevoir des processus adaptés que les outils proposés par la thermodynamique permettent de comprendre et d’optimiser.
Un autre aspect de l’évolution de l’industrie concerne la multiplication de nouveaux produits toujours plus diversifiés pour répondre à des besoins variés dans le domaine de la santé, de l’alimentation, de la chimie, etc.  Ces produits recourent souvent à des molécules complexes polyfonctionnelles, présentes par exemple dans les matériaux biosourcés, les tensioactifs, les polymères ou les électrolytes. Ici aussi, la thermodynamique appliquée permettra de mieux comprendre la chimie complexe de ces molécules.

De nouveaux procédés et une meilleure analyse de leur efficacité énergétique

Que ce soit pour élaborer un nouveau procédé ou un nouveau produit, il est nécessaire de réaliser des études thermodynamiques pour en évaluer la faisabilité et l’intérêt sur des bases solides. Par exemple, les analyses de cycle de vie (ACV) peuvent s’appuyer entre autres sur le concept d’exergie qui décrit le coût énergétique minimum associé à un processus. La conversion de la biomasse en bioéthanol est un bon exemple de procédé qui peut être évalué à l’aide de ce concept. 

De plus, les processus de transformation de l’énergie et de la chimie peuvent ainsi bénéficier du regard des experts en thermodynamique :

•    L’économie de l’hydrogène est aujourd’hui considérée comme une alternative possible au modèle énergétique actuel basé sur l’utilisation de ressources fossiles. Néanmoins, ce nouveau paradigme doit encore faire ses preuves : le coût énergétique associé à la fabrication de l’hydrogène est souvent très élevé. La thermodynamique appliquée fournit les moyens d’évaluer les conditions dans lesquelles ce vecteur énergétique peut être amené à jouer un rôle, sans oublier que d’autres vecteurs chimiques comme le méthanol ou l’ammoniaque pourraient également répondre aux besoins énergétiques du futur.

•    Les procédés qui visent à utiliser le CO2 comme source de carbone doivent également faire l’objet d’études thermochimiques précises. En effet, la transformation de cette molécule requiert un apport d’énergie et l’efficacité de ces procédés comparés à des alternatives doit être rigoureusement établie. 

•    Les méthodes dites de stockage d’énergie consistent en fait à convertir l’énergie sous forme thermique, mécanique, électrochimique ou chimique. Seule une analyse thermodynamique permet d’évaluer la pertinence des solutions qui peuvent être retenues, la conversion de l'électricité en hydrogène étant l'une des solutions possibles.

L’importance des modèles et des données

Les concepts thermodynamiques sont habituellement pris en compte par les industriels au travers de logiciels qui utilisent des modèles plus ou moins prédictifs. Ces modèles doivent être paramétrés, ce qui implique une réelle expertise : l'ajustement des paramètres dépend du type de simulation, du mélange considéré, des conditions opérationnelles et surtout des données disponibles pour la validation. Ces données, d’une importance essentielle pour établir et évaluer les modèles, ne sont pas toujours disponibles ou alors elles sont d’une qualité insuffisante pour être aisément exploitables. L’évaluation de la qualité des données existantes et la réalisation de nouvelles mesures sont des besoins de plus en plus importants dans la mesure où la diversité des systèmes étudiés s’accroît : les méthodes prédictives trouvent leurs limites lorsque les conditions opératoires sortent du champ des conditions connues. De plus, la mise à disposition de ces données sous une forme pratique et normalisée reste aussi un défi de taille. Pour résoudre ces diverses problématiques liées aux données, l’utilisation d’outils d’intelligence artificielle est une issue possible.

La thermodynamique, une voie d’excellence pour les générations nouvelles

Face aux erreurs qui peuvent réduire voire rendre nulle l’efficacité des procédés, la thermodynamique est essentielle pour les calculs et les développements en génie chimique. Malheureusement, une tendance à la baisse de l'expertise est observée dans un grand nombre d’entreprises. 
Pour enrayer ce manque de compétence, les études en chimie et en thermodynamique doivent être remises à l’honneur dans l’enseignement secondaire et supérieur. Les étudiants en chimie doivent être davantage initiés au maniement des équilibres de phase et des principaux modèles. De plus, les formations doctorales doivent être encouragées pour former les spécialistes dont l’industrie a besoin. Enfin, une formation continue de qualité doit permettre à ces experts de se tenir à niveau et de conserver un regard affûté tout au long de leur carrière professionnelle pour faire face aux défis toujours plus nombreux de la thermodynamique dans les applications industrielles.

Le saviez-vous ?

IFPEN a mis en place avec sept industriels le consortium de recherche Elether pour étudier la thermodynamique des électrolytes. Ce consortium est adossé à la chaire du même nom hébergée au sein du centre « Procédés pour l’énergie et la chimie » d’IFP School.
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Contact scientifique : Jean-Charles de Hemptinne