Le plastique fait partie intégrante de notre quotidien et de nos habitudes de consommation et continue d’être produit en grande quantité, causant toujours plus de déchets. Une situation complexe qui provoque diverses réactions réglementaires à travers le monde. En France et en Europe, la règlementation met la priorité sur les principes de l’économie circulaire, parmi lesquels le recyclage occupe une place de choix. Cependant, face aux limites du recyclage mécanique majoritairement utilisé aujourd’hui, les regards se tournent désormais vers le recyclage chimique.
- Un plastique toujours plus produit, consommé et jeté
- Responsabiliser, interdire, recycler : quelle réglementation ?
- De nouveaux défis pour la pétrochimie ?
- Recyclage du plastique ou recyclage des plastiques ?
- Quelles techniques pour recycler les plastiques ?
- Retenez l’essentiel
Un plastique toujours plus produit, consommé et jeté
1,5 million de tonnes de plastiques ont été produites en 1950. En 2018, c’était 360 millions (dont 62 millions en Europe). Cela représente 9 milliards de tonnes de plastiques cumulés en presque 70 ans.
Cette quantité concerne pour une bonne part les emballages - 40 % des plastiques produits sont utilisés pour faire des emballages, aussi bien en Europe qu’au Canada ou aux États-Unis - qui se caractérisent par une durée de vie particulièrement courte.
Et demain ? Selon les prévisions, cette production devrait augmenter de 40 % d’ici à 2030 et doubler ou tripler d’ici à 2050, pour atteindre plus d’un milliard de tonnes par an. Rien ne se perd, tout se transforme ? Ce n’est pas aussi simple pour le plastique : il faut en effet 10 à 20 ans à un sachet plastique pour se dégrader, et pas moins de 450 ans pour une bouteille plastique. Loin de disparaître, les micro et les nano particules issues de cette dégradation naturelle sont à l’origine d’une pollution invisible.
Du microplastique dans les gouttes de pluie
Si on estime entre 4 et 12 millions de tonnes les « gros déchets » (sacs plastiques, bouteilles, vaisselle) rejetés dans les océans tous les ans (pour un total de 150 Mt de plastiques cumulés aujourd’hui), il faut aussi compter quelques millions de tonnes de microplastiques dits « primaires », c’est-à-dire dont la petite taille (inférieures à 5 mm) est définie dès leur processus de fabrication, généralement pour des produits cosmétiques ou d'entretiens.
Les Nations Unies ont déclaré en 2017 que l’océan contenait 51 trillons de particules de plastique, soit 500 fois plus que le nombre d’étoiles dans la galaxie.
Fragilisés par l’exposition aux rayons UV, les gros déchets se dégradent eux aussi pour devenir des microplastiques secondaires présents dans tous les milieux aquatiques : rivières, eaux souterraines, sédiments des grands fonds marins, et jusqu’aux gouttes de pluie. Selon une récente étude de l’organisme gouvernemental australien pour la recherche scientifique (CSIRO), 14 Mt de microplastiques seraient descendues dans le fond des océans, un chiffre 25 fois supérieur à celui que donnaient les études jusqu’ici.
Nous les retrouvons dans l’organisme des animaux marins, ou encore dans l’eau du robinet, que nous finissons par ingérer nous-mêmes.
>> En savoir plus sur les travaux IFPEN en matière de pollution plastique et de microplastiques
RESPONSABILISER, INTERDIRE, RECYCLER : QUELLE RÉGLEMENTATION ?
Si le nombre d’initiatives et d’accords internationaux ne manque pas au sujet du plastique, leur absence de coordination en limite l’efficacité. En effet, si un nombre croissant de pays tentent de réduire l’utilisation d’objets en plastique via des interdictions et des lois, ces dernières diffèrent grandement : elles vont de la réglementation des microplastiques (notamment ceux qui sont ajoutés dans les cosmétiques) en Amérique du Nord, à l’interdiction des sacs plastiques dans de nombreux pays d’Afrique et d’Asie.
Par ailleurs, la Chine, suivie par d’autres pays, a également interdit l’importation des déchets plastiques sur son territoire, ce qui a complètement chamboulé le marché du recyclage.
Quels leviers actionner pour agir sur la pollution causée par le plastique ?
Outre légiférer de façon ciblée sur les sacs plastiques et les plastiques à usage unique, les États peuvent créer de nouveaux marchés pour les matériaux recyclés, supprimer les obstacles logistiques ou encore mettre en place une Responsabilité Élargies des Producteurs (REP). Basée sur le principe du « pollueur-payeur », cette dernière tient les fabricants, les importateurs et les distributeurs pour responsables de leurs produits pendant tout le cycle de vie.
En Europe, les législateurs ont commencé à formuler des objectifs chiffrés en 2018. La directive 2018/852 sur les emballages et déchets d’emballages préconise de recycler 50 % des emballages plastiques d’ici 2025 et 55 % d’ici 2030. En juin 2019, a été adoptée la directive « Single-Use Plastics » (SUP) interdisant les articles plastiques à usage unique comme les pailles et les couverts. Les États membres ont par ailleurs désormais un objectif de collecte de 90 % des bouteilles en plastique d'ici 2029. Les bouteilles commercialisées dans l'UE devront enfin contenir au moins 25 % de plastique recyclé en 2025 et au moins 30 % en 2030.
Ces objectifs sont actuellement en discussion auprès de 14 pays européens et quarante entreprises signataires du « Pacte plastiques européen » pour la mise en place de mesures plus ambitieuses, à l’exemple de la France.
La loi française relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire du 10 février 2020 vise en effet à transformer une économie linéaire - produire, consommer, jeter - en une économie circulaire - réduire, réparer, réutiliser, recycler, réinventer. Elle retranscrit en droit français des réglementations européennes dont la directive SUP, mais avec des délais beaucoup plus courts : elle vise 30 % de matière recyclée dans les bouteilles en 2030 et l'éradication des plastiques à usage unique en 2040.
En jeu également, une réforme sur l’extension des filières de responsabilité élargie des producteurs (REP) et l’obligation d’information pour que le consommateur puisse faire des choix éclairés, sur la base d’indices de réparabilité et de durabilité.
Le saviez-vous ?
En France, la présence du logo sur les emballages plastiques n’indique pas la recyclabilité du produit mais atteste simplement que l’entreprise productrice a payé une contribution à un éco-organisme (CITEO)
De nouveaux défis pour la pétrochimie ?
Les enjeux environnementaux posés par la pollution plastique ainsi que la mise en place de nouvelles législations de la part des États impactent fortement le secteur de la pétrochimie. Les professionnels de la plasturgie sont en effet désormais plus clairement incités à explorer de nouveaux modes de production parmi lesquels les plastiques biosourcés, ainsi que le recyclage, qui pourraient se conjuguer pour diminuer le contenu fossile des plastiques.
D’autant qu’au regard des chiffres, les efforts à engager aujourd’hui en matière de recyclage du plastique sont considérables. Selon un rapport de Plastics Europe, 32,5 % de la collecte en Europe était envoyée en recyclage en 2018. In fine, les plastiques recyclés représentaient seulement 9,8 % de la consommation totale de plastiques en Europe alors que les papiers-cartons recyclés pour leur part représentaient 85 % de la consommation totale (chiffres 2019 du rapport 2020 du European Paper Recycling Council).
Recyclage du plastique ou recyclage des plastiques ?
L’origine des problématiques associées au recyclage du plastique repose sur sa fabrication : au départ, le naphta, un liquide issu du raffinage du pétrole, est chauffé à haute pression puis refroidi brutalement pour fragmenter les molécules d’hydrocarbures en molécules élémentaires, les monomères, qui sont composées de plusieurs atomes de carbone.
Ces derniers sont ensuite polymérisés, c’est-à-dire liés les uns aux autres pour former des polymères sous forme de granulés, de liquide ou de poudre. Leur sont ajoutés des adjuvants et additifs, substances chimiques – plastifiants, solvants, antioxydants, colorants, ignifugeant, etc. – qui modifient les caractéristiques du polymère : mise en forme, soudabilité, imperméabilité, transparence ou non, etc.
Il existe plusieurs dizaines de polymères différents et les formulations obtenues via l’ajout d’additifs varient elles aussi en fonction des applications.
Les polymères se classent en deux grandes familles de plastiques. Les thermoplastiques - polyéthylène (PE), polyéthylène haute densité (PEHD), polychlorure de vinyle (PVC), polyéthylène téréphtalate (PET), polypropène (PP), polystyrène expansé (PS), polyamide (PA), etc. - ramollissent sous l’action de la chaleur et se durcissent en refroidissant de manière réversible, ce qui présente un avantage pour le recyclage mécanique. En effet, après avoir été collectés et triés, les déchets thermoplastiques ont la capacité de fondre et de se resolidifier pour la production de nouveaux objets. Les thermodurcissables - polyuréthane (PUR), polyesters insaturés (UP), silicone, etc. - au contraire, durcissent progressivement sous l'action de la chaleur pour atteindre un état solide irréversible.
Quelles techniques pour recycler les plastiques ?
Le recyclage mécanique
À l’heure actuelle, 99 % des déchets thermoplastiques sont recyclés selon un recyclage dit « mécanique » : après avoir été collectés et triés pour obtenir des gisements par famille de polymères dits « homogènes », ces derniers sont sur-triés, lavés, broyés, extrudés, transformés en paillettes ou granulés, puis réutilisés sous la forme de matière première recyclée (MPR), ou matières premières secondaires, sans que soit modifiée la structure du polymère.
Ce recyclage connaît cependant des limites importantes. D’abord, les différentes étapes de tri et de séparation, ainsi que les procédés de régénération nécessaires au recyclage, sont complexes du fait de la diversité des résines polymériques et des pollutions externes survenues aux différents niveaux de vie du plastique, de sa fabrication jusqu’à son arrivée chez le régénérateur (souillures laissées par l’utilisation des emballages, contamination occasionnée par le contact avec d’autres matériaux, etc.).
Ensuite et surtout, tri, lavage, broyage et extrusion ne débarrassent pas les polymères des pollutions internes causées par l’ajout des additifs. Si les déchets plastiques à traiter sont très spécifiques (comme des bouteilles en plastique transparentes à base de PET par exemple), les granulés contenant polymères et additifs obtenus après extrusion – c’est-à-dire fabriqués dans un format donné sous l'action d'une pression – peuvent être réutilisés tels quels pour refaire des bouteilles transparentes. Le recyclage est dit alors en boucle fermée.
Ce cas idéal est cependant rare. En effet, la diversité des déchets collectés conduit, même après tri par type de polymères, à des granulés présentant des additifs d’origine variée (comme des mélanges de couleur par exemple) qui interdisent alors de revenir aux produits initiaux. D’autres applications, moins regardantes sur la qualité des granulés, sont alors envisagées (comme la production de sacs-poubelles) : on parle alors de recyclage en boucle ouverte.
Enfin, il faut aussi compter avec les effets de températures associés aux différentes étapes du processus de recyclage qui peuvent aussi être à l’origine de dégradations de la Matière Première Recyclée (MPR). Un phénomène qui limite de facto le recyclage mécanique tel que réalisé actuellement. Par exemple, le recyclage d’une bouteille est limité à 7 cycles, après quoi la dégradation de la matière est trop importante.
Le recyclage mécanique ne satisfait donc pas complètement les exigences de qualité et les objectifs réglementaires. Par exemple, intégrer 30 % de plastique recyclé dans les bouteilles d’ici 2030 suppose de disposer d’une matière recyclée de très haute qualité, en particulier pour les emballages alimentaires ou cosmétiques, et donc d’améliorer l’efficacité de la collecte, du tri et des méthodes de valorisation des MPR.
Le recyclage chimique
>> En savoir plus sur le recyclage chimique avec une infographie
D’autres solutions voient le jour, ou plutôt, connaissent une seconde naissance : développé dans les années 1990, le recyclage chimique intéresse de nouveau les professionnels de la plasturgie, précisément pour sa capacité à produire un polymère réutilisable en boucle fermée, y compris pour les applications les plus exigeantes.
Le recyclage chimique permet de produire de nouvelles matières premières par modification de la structure chimique du polymère et purification de(s) produit(s) ainsi formé(s). Il inclut les procédés de dépolymérisation et de conversion. Le premier consiste à revenir au monomère de base en découpant le polymère par solvolyse (usage de solvants) ou thermolyse (décomposition par augmentation importante de sa température). Le deuxième, qui a recours à la pyrolyse ou à la gazéification, produit pour sa part des coupes hydrocarbures, réutilisées ensuite pour former (entre autres) des monomères vierges.
Des procédés de dissolution sont également développés pour récupérer des chaînes polymériques exemptes d’additifs. Bien que la structure chimique du polymère ne soit pas modifiée et qu’ils constituent donc en ce sens une extension du recyclage mécanique, ces procédés impliquent très largement des étapes chimiques et sont donc souvent également associés au recyclage chimique.
Pour le moment, le recyclage chimique représente environ 1 % des matières plastiques recyclées.
Les coûts de cette technologie sont pour l’instant élevés, c’est pourquoi certains industriels préfèrent pour le moment avoir recours à du plastique vierge, moins coûteux. La R&D est cependant très active dans le domaine et a déjà abouti à de nombreux pilotes et démonstrateurs, ce qui peut laisser espérer une croissance du recyclage chimique dans la prochaine décennie.
La réduction des coûts de production des intermédiaires bio-sourcés et la sécurité d'accès à la ressource seront des facteurs clefs dans le déploiement de ces technologies.
À RETENIR
1. La production mondiale de plastiques est de 360 millions de tonnes aujourd’hui et pourrait atteindre 1 milliard en 2050. 40 % concernent les emballages plastiques.
2. Face à l’augmentation des déchets plastiques, la directive européenne « Single-Use Plastics » (SUP) et la loi française relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire posent des objectifs ambitieux : l’éradication de l’utilisation des plastiques à usage unique, le recyclage d’une part croissante des emballages et davantage de plastique recyclé dans les bouteilles.
3. L’atteinte de ces objectifs dépendra d’une part de l’amélioration du processus du recyclage mécanique via un tri plus efficace et une meilleure valorisation des Matières Premières Recyclées (MPR), et d’autre part du développement de solutions chimiques de recyclage viables sur les plans économique et environnemental.
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