09.04.2020

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Un travail de thèse mené à IFPEN [1] a développé des outils permettant de décrire des flux de carbone biogénique sur la base de modèles dynamiques et non plus avec les modèles statiques habituels. L’analyse a ensuite porté sur les différences que présentaient les résultats et conclusions issus de cette nouvelle approche, ainsi que sur ses avantages en matière de prédictions climatiques. 

Changement climatique : intégrer le facteur temps dans l’évaluation des flux de carbone

Les stratégies bas carbone favorisent l'utilisation de sources d'énergie renouvelable et de biomatériaux provenant, entre autres, de la biomasse forestière et agricole dédiée ainsi que de la biomasse résiduelle. Elles visent la neutralité carbone qui consiste dans le principe d’une compensation entre émissions et captations de CO2

Par ailleurs, l’évaluation du changement climatique induit par les activités humaines se fait via des méthodologies dédiées, comme  l’analyse du cycle de vie (ACV) ou l’empreinte carbone par exemple. 

Cependant, les modèles sous-jacents à ces méthodologies sont statiques, car ils représentent uniquement les systèmes dans un état d'équilibre stationnaire. Ainsi, l'inventaire du cycle de vie repose sur une agrégation simplifiée de tous les flux provenant de différentes unités du processus analysé, et ignore par conséquent la variabilité temporelle des flux de carbone (fossiles et biogéniques1). 

L’hypothèse de neutralité climatique des émissions de carbone biogéniques (Cbio) se trouve ainsi justifiée par le fait que les émissions et les séquestrations de carbone par la biomasse sont supposées avoir lieu « en même temps ». L’intégration de la dimension temporelle, en distribuant les flux de Cbio au cours de temps, vient questionner cette neutralité climatique

Des modèles dynamiques applicables à tous les modèles de demande

Le nouveau cadre de modélisation proposé lors du travail de thèse mené à IFPEN tient compte :

a) des modèles en amont (production), non linéaires, de la croissance de la biomasse [2] et de la séquestration du carbone organique du sol (COS) associée à l'utilisation des terres, y compris les pratiques de gestion culturale [3], 

b) des modèles en aval, pour des options de fin de vie spécifiques (gestion des déchets et résidus), qui retardent éventuellement les émissions.

Les modèles dynamiques mis au point ont été conçus pour être couplés aux résultats de n'importe quel modèle de demande - donnant des flux techniques qui conditionnent la quantité de biomasse fournie/utilisée dans un système étudié - afin de pouvoir élaborer des inventaires dynamiques complets du carbone (fossiles + biogéniques). 

Par exemple, des travaux étudiant les conséquences des politiques publiques pour la transition énergétique (figure ci-dessous) ont couplé un modèle économique d'équilibre partiel du secteur énergétique français2 (Demand model) avec un modèle dynamique de croissance de biomasse forestière (Cbio model) pour l’évaluation de scénarii prospectifs de bioénergies [4].


 

couplage modèles de prospective
Couplage d’un modèle de prospective énergétique avec un modèle de croissance de biomasse forestière


Une avancée méthodologique pour des prédictions plus précises

Les résultats ont montré que cette nouvelle modélisation de la séquestration du Cbio et de la dynamique du COS fournissait une représentation plus précise des flux de Cbio et que son intégration dans le calcul du changement climatique impactait significativement les prévisions. 

De plus, ce nouvel outil a permis de souligner l’impact sur le changement climatique du type de biomasse utilisée (notamment les durées de rotation des cultures), des taux d'exportation des résidus pour des usages énergétiques, ou encore du moment auquel a lieu le premier flux de séquestration (avant ou après usage de la biomasse) [5]. 

Cette nouvelle approche dynamique pourra être affinée pour tenir compte des contextes propres à un site ou à un cas particulier.

Le travail réalisé permet d’ores et déjà une meilleure prise en compte du carbone biogénique et contribue à l'amélioration de l’ACV. Une telle avancée méthodologique est particulièrement précieuse pour définir les actions à mettre en œuvre face au changement climatique.

 

Carbone de la biosphère terrestre (20 % dans la biomasse vivante environ, 80 % dans les matières organiques mortes contenues dans les litières forestières et les sols)
Modèle de prospective énergétique https://fr.wikipedia.org/wiki/MARKAL#TIMES
 

Références : 

 [1] Albers A, 2019. Prise en compte de la dimension temporelle dans l'évaluation environnementale des produits de la biomasse : Modélisation dynamique du carbone. Thèse soutenue le 16 décembre 2019 à Montpellier SupAgro.
[2] Albers A, Collet P, Benoist A, Hélias A (2019). Data and non-linear models for the estimation of biomass growth and carbon fixation in managed forests. Data in brief 23, 103841.
[3] Albers A., Avadi A., Benoist A., Collet P., A. Hélias (2019c). Modelling dynamic soil organic carbon flows of annual and perennial energy crops to inform energy-transport policy scenarios in France. Science of The Total Environment, 135278.
[4] Albers A, Collet P, Lorne D, Benoist A, Hélias A (2019a). Coupling partial-equilibrium model and dynamic biogenic carbon inventories for energy policy assessment. Applied Energy 239: 316-330.
[5] Albers A, Collet P, Benoist A, Hélias A (2019d). Back to the future: Dynamic full carbon accounting applied to prospective bioenergy scenarios. Int. J. Life Cycle Assess, 1-17.

Contact scientifique : pierre.collet@ifpen.fr

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