17.09.2024

5 minutes de lecture

Facebook Twitter LinkedIn Imprimer

IFP Energies nouvelles (IFPEN) fête ses 80 ans cette année. Né Institut français du pétrole (IFP) à la fin de la Seconde Guerre mondiale pour développer les technologies pétrolières, devenu IFP Energies nouvelles en 2010, IFPEN contribue aujourd'hui à développer un mix énergétique bas carbone plus durable. Héritières d’une riche histoire, ses équipes continuent de se projeter vers l'avenir, alliant expertise et innovation pour relever les défis du XXIe siècle.

Du pétrole à la transition énergétique : chronique d’une évolution

Né au milieu des années 1940, l’IFP est chargé par les pouvoirs publics d’appuyer la création d’une industrie pétrolière et parapétrolière française au moyen de la recherche, de la formation et de la documentation.

Dans les années qui suivent, l’IFP forge son identité : formalisation des connaissances et d’un enseignement performant, structuration de l’activité des laboratoires autour d’une méthodologie et de connaissances scientifiques rigoureuses et collaborations avec d’éminents spécialistes étrangers. Objectif : combler le retard scientifique et technologique accumulé par l’industrie pétrolière nationale.

En 1947, l’IFP comptait 298 personnes. IFPEN compte aujourd’hui 1 550 employé(e)s dans 50 métiers, 40 laboratoires répartis sur les sites de Rueil-Malmaison (proche de Paris) et de Solaize (dans la vallée de la chimie de la Métropole de Lyon) et son École diplôme 500 élèves chaque année.

En 2024, la mission de ses équipes, secondée dans son volet formation par l’école d'ingénieurs de spécialisation IFP School, est bien différente. Elle vise à innover pour un monde décarboné et durable, au service de la triple transition énergétique, écologique et numérique.

De quelle manière ? En travaillant sur un large éventail de technologies dans les domaines de l’énergie, de la mobilité et de l’environnement afin de favoriser le recyclage des produits, des matériaux et des déchets (métaux, plastiques, carbone), de développer l’utilisation des énergies renouvelables (éolien, géothermie, stockage d’énergie, biomasse, biogaz, etc.) ou encore de rendre les transports plus propres et plus économes en énergie (motorisations électriques, carburants durables d’aviation, etc.).

En 80 ans, ce sont donc 50 métiers, du géologue au motoriste, qui se sont transformés pour répondre aux défis du XXIe siècle. Comment s’est opéré un tel virage ?
 

Quand la recherche épouse l'industrie pour façonner l'avenir énergétique

"Tous les travaux de recherche doivent pouvoir être directement ou indirectement liés à la poursuite d’un objet dont l’intérêt industriel est au moins définissable, sinon déjà analysable de manière précise", écrivait René Navarre, directeur général de l’IFP, à partir de 1950.

Une vision adoptée et relayée par André Giraud, jeune ingénieur du Corps des mines devenu directeur technique en 1956, pour qui les activités de recherche doivent tendre au transfert industriel afin que l’IFP puisse pleinement s'adapter aux nouvelles donnes technologiques à venir.

En 2023, IFPEN compte 154 premiers dépôts de demandes de brevets, dont 125 dans le domaine de la transition énergétique.

De fait, les créations de sociétés, dont le but est de commercialiser les résultats de la recherche, foisonnent dès les années 50 et les années 60. L’IFP se dote aussi à cette époque de nouveaux moyens d’essais et d’extrapolation industrielle avec la construction du Centre d’études et de développement industriels (CEDI) de Solaize.

Maillon essentiel dans le processus de mise sur le marché des innovations technologiques de l'IFP, l'éventail des activités du site de Solaize s'élargit considérablement au fil du temps, avec un apport croissant de moyens logistiques et de compétences adaptés.

Essaimer pour la triple transition

IFPEN, c’est plus de 30 entreprises créées depuis ses débuts dans les domaines des procédés, des logiciels de géoscience, de la mobilité connectée ou encore de la formation. Axens, née en 2001, est un symbole de la politique de création d’entreprises d’IFPEN et de la manière dont les travaux de recherche conduits par la R&D peuvent être industrialisés avec succès par ses filiales. Acteur de référence dans les domaines du raffinage, de la pétrochimie et du traitement de gaz, Axens développe et commercialise aujourd’hui des solutions pour donner accès à des carburants propres et des matières plastiques respectueuses de l’environnement, en contribuant à la diversification des ressources utilisées, du pétrole aux bioressources. 
>> Découvrir les procédés de recyclage chimique des plastiques d’IFPEN

Cette évolution consolide une approche multi-échelles unique en son genre qui permet de valider la robustesse et la fiabilité des technologies IFPEN dans des conditions proches de celles rencontrées en exploitation industrielle, en passant par différents pilotes de taille intermédiaire. De l’engagement de ses équipes naissent ainsi des pilotes et des démonstrateurs pré-industriels capables d’éprouver et de dérisquer les innovations issues des laboratoires.
>> Lire notre article sur le succès de de la démonstration du procédé de captage du CO2 DMX™ à Dunkerque

Couplée à un écosystème dynamique de partenariats avec des organismes de recherche et avec des industriels, cette approche a permis à IFPEN d’être en relation directe avec les besoins et les défis de l’industrie et du marché, et ainsi de transformer des résultats scientifiques en solutions décarbonées et durables directement utiles à la transition énergétique, tout en contribuant à la création de richesse et à la souveraineté nationale.

La création en 2023 de la filiale IFPEN GreenWITS  dans le domaine de l’éolien en est le plus récent exemple. Fruit d'une recherche de pointe menée depuis plus d'une décennie et s'appuyant sur une expertise historique dans les domaines de l’offshore et du contrôle, GreenWITS est bien positionnée pour servir les ambitions européennes en matière d’énergie éolienne.
 

Décarbonation : pas de favoritisme

L’orientation industrielle d’IFPEN l’oblige également dès l’origine à revoir l’objectif même de la recherche, trop souvent assimilé à la nécessité d’aboutir à une invention. « Il faut parfois plus d'énergie intellectuelle et financière pour obtenir un résultat du genre "amélioration", qu'un résultat du genre "novation" [au sens invention] », explique également André Giraud en 1963, reconnaissant l’importance du perfectionnement des outils existants.

Inspirée par cette approche, ainsi que par les analyses de scénarios portées par des organisations comme le GIEC pour prendre en compte les modifications complexes des systèmes socio-économiques, la stratégie de décarbonation d'IFPEN allie pragmatisme et adaptabilité : elle considère qu’il n’existe pas une réponse unique à la transition énergétique mais que cette dernière requiert plutôt une combinaison de technologies, chacune présentant des avantages et des limites, en appui aux efforts de sobriété et d’efficacité énergétique, ainsi qu’à l’évolution des comportements.

La volonté d’objectivité technologique portée par IFPEN invite ainsi à considérer toutes les technologies existantes, qu'elles soient nouvelles ou éprouvées, en prenant en compte leur impact global ainsi que leur capacité à répondre aux objectifs de la transition énergétique.

Dans le domaine de la mobilité par exemple, en plus de travailler sur l’électrification pour les véhicules particuliers et les poids lourds, les équipes IFPEN, qui n’ont cessé de s’intéresser au secteur automobile depuis les années 60, continuent d’explorer d’autres moyens de réduire leurs émissions. Parmi eux, des innovations dans la combustion, l’hybridation, et l’utilisation de carburants bas carbone, sans oublier les solutions liées à l’hydrogène, aux piles à combustible, et même plus globalement, les analyses portant sur les infrastructures en mesure de supporter cette transition technologique d’envergure. 
>> Découvrir les RDV innovation sur les enjeux de décarbonation sur la mobilité terrestre
 

Les années de la transition

Ces solutions, essentielles dans le secteur si émetteur du transport, sont le fruit de recherches pionnières. Dès les années 80, face aux mutations du monde pétrolier et à la prise de conscience environnementale, l’IFP lance des programmes sur les carburants alternatifs, la conversion des résidus* et la conception de moteurs propres et économes.

L’orientation environnementale d’IFPEN est consacrée en 1994 avec la mise en place d’une coordination Environnement, chargée de définir une véritable politique dans ce domaine. Au début des années 2000, IFPEN entame une stratégie de transition que le contrat d’objectifs et de performance de 2006-2010 permet de structurer. Fondée sur la double contrainte énergétique et climatique, elle vise l’utilisation optimale des ressources existantes et la diversification des sources d’énergie.

En 2008, nouveau coup d’accélérateur, avec la naissance de la direction des Technologies de développement durable pour renforcer le leadership d’IFPEN comme fournisseur de solutions durables dans les domaines de la production et de l'utilisation de systèmes énergétiques respectueux de l'environnement.

"Préparer de manière concertée avec les pouvoirs publics une transition énergétique maîtrisée ; consolider les filières existantes et contribuer à l’émergence de nouvelles filières industrielles dans le domaine de l’énergie, des transports et de l’environnement : telle était la double ambition de notre précédent contrat d’objectifs. Son bilan est positif, la quasi-totalité des objectifs ayant été atteints, voire dépassés.", disait Jean-Jacques Lacour, directeur du déploiement stratégique, à propos d’IFPEN en 2010.

Ainsi, en 2010, l’IFP devient IFP Energies nouvelles. Cette nouvelle dénomination met en cohérence un nom avec la finalité et la réalité des programmes œuvrant pour un mix énergétique en transition, des énergies fossiles vers les énergies renouvelables. L'institut consacre alors près de la moitié de ses programmes de R&D aux nouvelles technologies de l'énergie.

* Processus visant à transformer les résidus lourds issus du raffinage du pétrole en produits plus légers et plus valorisables, comme des carburants ou des matières premières chimiques. Cela permet d'optimiser l'utilisation des ressources fossiles et de réduire la quantité de déchets, tout en améliorant l'efficacité énergétique.
 

Horizon 2035 : objectif neutralité carbone

Aujourd’hui, la transition n’est plus un défi d’avenir, mais une nécessité à réaliser au présent. IFPEN a lancé en 2023 un grand chantier de réflexion collective, Horizon 2035, pour se projeter dans l’avenir et identifier les technologies d'intérêt public majeur au service de cette transformation concrète. Elles ont été classées en trois catégories selon leur maturité : l’amélioration des technologies maîtrisées côtoie ainsi l’exploration de pistes prometteuses et prospectives.

Ainsi, sans cesser de proposer des solutions éprouvées et rentables, ses équipes développent parallèlement des innovations de rupture pour l'avenir.

En 2023, les nouvelles technologies de l’énergie pèsent 76 % dans la R&I IFPEN

C’est le cas du captage de CO2 en rupture avec des recherches sur le Direct Air Capture (DAC), de certaines biotechnologies pour la production de biocarburants pour laquelle IFPEN examine de nouvelles enzymes, de récentes avancées sur le recyclage des matériaux de batteries, de travaux dans le domaine du cycle de l’eau visant à encourager l’efficience des usages et à optimiser en amont la gestion de la ressource, ou encore sur la gestion des flux de microplastiques dans l’environnement.

Une démarche qui inscrit solidement et dès maintenant IFPEN dans le paysage énergétique de demain.