09.01.2018
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Dans le cadre des travaux conduits sur la désulfuration de distillats sous vide, IFPEN étudie l’impact de la structure poreuse des catalyseurs sur leurs performances.
L’hydrotraitement est un procédé de raffinage qui a pour but d'ôter le soufre contenu dans les fractions d’hydrocarbures, issues de la distillation sous vide, qui servent à produire des carburants. Les supports en alumine des catalyseurs d’hydrotraitement sont des solides granulaires, dits mésoporeux, dont les pores ont une taille caractéristique de l’ordre d’une dizaine de nanomètres. Or, les distillats sous vide sont des coupes pétrolières dont les molécules ont des tailles caractéristiques proches de cette dimension (plutôt de l’ordre du nanomètre). Dans la perspective d’améliorer la performance des catalyseurs, la question du mode de diffusion de ces molécules au sein du réseau mésoporeux, lors du procédé d’hydrotraitement, est alors posée : est-on en diffusion libre (diffusion moléculaire) ou y-a-t-il des phénomènes qui limitent l’accessibilité des molécules à la porosité où se situent les phases actives ?
Pour répondre à cette question, des recherches ont été menées [1-2] sur la caractérisation des propriétés diffusives des supports de catalyseurs, c’est-à-dire sur leurs capacités à mettre en contact facilement les réactifs et les sites catalytiques. Le cœur de ce travail a porté sur la mise au point d’une technique de chromatographie liquide inverse, adaptée à la caractérisation des phénomènes de transport de matière au sein de vrais supports de catalyseurs extrudés.
Avec cette technique, en s’intéressant à la diffusion de molécules de tailles différentes, entre 7 et 30 atomes de carbone, représentatives de coupes « essences » et « distillats », une première étude a montré que pour les supports de catalyseurs d’hydrotraitement, les molécules ont accès à tout le volume poreux et ne sont pas limitées par des phénomènes d’adsorption. La diffusion des molécules de distillats sous vide est donc de type moléculaire et cela implique que pour des catalyseurs macro/mésoporeux, les capacités diffusives, telles que mesurées par chromatographie liquide inverse, sont directement fonction du volume de pores disponible et de la tortuosité du réseau poreux.
D’autres travaux ont ensuite mis en évidence des disparités importantes entre les réseaux de différents solides mésoporeux. Un échantillonnage d’alumines présentant des répartitions de tailles de pores variées (figure 1) a ainsi été étudié et il en ressort que les valeurs de tortuosités obtenues pouvaient varier de 50 %, alors que les caractérisations classiques de texture (porosimétries d’adsorption d’azote ou d’intrusion de mercure, pycnométrie hélium) ne faisaient pas apparaître ces différences. De tels résultats montrent qu’il est possible d’ajuster les propriétés diffusives des supports de catalyseur en alumine et qu’il est primordial pour cela de jouer sur leur organisation interne.
Enfin, les mesures réalisées ont fourni des valeurs de tortuosités qui ne sont pas en accord avec les corrélations de la littérature concernant l’empilement aléatoire d’objets. Les valeurs de tortuosité variées, et surtout plus élevées, qui ont été obtenues pourraient s’expliquer par une organisation poreuse des alumines constituée de deux réseaux : on distingue ainsi les porosités à l’intérieur d’agrégats de cristallites et celles situées entre les agrégats, comme le montre la figure 2.
L’hypothèse d’un lien entre une répartition duale de la taille des pores, obtenue par une méthode de physisorption, et les propriétés diffusives a ainsi été proposée.
La méthodologie de travail développée, couplant les analyses de textures conventionnelles avec des approches innovantes, a permis de sonder l’architecture fine des solides mésoporeux, et ouvre d’intéressantes perspectives pour mieux comprendre la relation entre les conditions de synthèse des matériaux et l’organisation de leur structure poreuse hiérarchisée.
À cet égard, la perspective de pouvoir déterminer des propriétés de transfert de masse à partir de simples expériences d’adsorption d’azote devrait intéresser la communauté de la catalyse hétérogène.
Enfin, la nouvelle technique de chromatographie liquide inverse, mise au point dans le contexte de l’hydrotraitement des coupes pétrolières, et qui a permis de décrire et caractériser les phénomènes de diffusion au sein de solides mésoporeux, peut s’appliquer à d’autres systèmes catalytiques impliquant des molécules de grandes tailles, telles que des molécules biosourcées.
Contact scientifique : antoine.hugon@ifpen.fr
- [1] Svetan Kolitcheff ; Approche multitechnique des phénomènes de diffusion en hydrotraitement de distillats, Thèse de doctorat, 2017.
>> https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01581795/
- [2] Svetan Kolitcheff, Elsa Jolimaitre, Antoine Hugon, Jan Verstraete, Pierre-Louis Carrette, Melaz Tayakout-Fayolle ; Tortuosity of mesoporous alumina catalyst supports: Influence of the pore network organization ; Microporous and Mesoporous Materials 248 (2017) 91-98.
>> DOI: 10.1016/j.micromeso.2017.04.010