04.09.2019
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Un travail de thèse mené à IFPEN [1] a permis de caractériser l’impact d’une injection de CO2 sur des roches carbonatées, grâce à des mesures électrocinétiques.
Pour stocker du CO2 dans le sol ou le sous-sol, il est essentiel de connaître l’évolution de la perméabilité du milieu encaissant au cours de l’injection. Aujourd’hui, les méthodes utilisées sont intrusives, lourdes et coûteuses, telle l’extraction d’échantillons (carottes) servant à la caractérisation en laboratoire. Disposer d’un système de mesure simple et utilisable sur le terrain constitue clairement un atout. C’était l’objectif visé par un travail de thèse mené à IFPEN [1], dans lequel une corrélation a été recherchée entre la perméabilité relative de la roche et une propriété électrocinétique aisément mesurable. Ce travail a porté essentiellement sur des réservoirs carbonatés, particulièrement envisagés pour cet usage et dont le comportement au contact du CO2 est de ce fait une question de première importance.
L’impact d’une injection de CO2 (gazeux et/ou liquide) sur la conductivité électrique et les propriétés électrocinétiques des roches carbonatées, partiellement ou totalement saturées en eau, a donc fait l’objet de cette thèse. Cette dernière a fait appel à des méthodes de polarisation de deux types – spontanée (passive) et provoquée (active) – avec comme perspective initiale la confrontation de leurs résultats aux données de la littérature. Toutefois, les données publiées jusqu’alors quant au couplage des aspects « pétrophysique-géochimie » avec les données issues de l’électrocinétique portaient essentiellement sur des grès. Aussi le travail de thèse a-t-il permis de constituer, sur les carbonates, un jeu exceptionnel de données de référence en la matière.
Tout d’abord, la méthode de polarisation spontanée a conduit à établir des relations entre la pression capillaire, la perméabilité relative au sein de roches carbonatées et le coefficient de couplage électrocinétique. Ce coefficient de couplage est un paramètre clé fourni par la méthode [2], et directement corrélé au degré de saturation en eau de l’échantillon. Sur les roches étudiées, cette relation a été établie grâce à un dispositif expérimental dédié à la caractérisation d’écoulements diphasiques de type eau-gaz (figure ci-dessous). Ce dispositif a permis, en fonction de la saturation en eau et en dioxyde de carbone de l’échantillon, de déterminer simultanément la perméabilité relative, l’indice de résistivité et le coefficient de couplage électrocinétique.
Les résultats ont été confrontés à des modèles théoriques basés sur les approches de Brooks et Corey [3] et de Van Genuchten [4], utilisant les modèles de pression capillaire. Ils ont ensuite permis d’ajuster les paramètres de la loi reliant perméabilité et saturation, loi nécessaire pour l’accès à la perméabilité relative instantanée à partir de la seule mesure électrocinétique.
La méthode de polarisation provoquée (avec courant imposé) quant à elle, vise à éliminer certains « inconvénients » de la méthode spontanée, qui en limitent la mise en œuvre sur le terrain : courants faibles, sensibilité moindre et données géo-électriques restreintes. Plus complexe mais également plus riche en informations, cette méthode permet d’accéder à une meilleure compréhension des phénomènes en jeu. Dans notre cas, elle a permis de déterminer comment la conductivité de l’eau présente dans les pores du milieu carbonaté non saturé influait sur différentes propriétés de ce dernier. Les résultats obtenus ont montré que l’évolution des paramètres mesurés reflète en réalité un phénomène de polarisation de double couche lorsque la conductivité de l’eau est comprise dans une certaine gamme.
* dû à la présence de charges électriques proches de la surface du minéral et à d’autres plus distantes, dans la zone inter-pores.
Contact scientifique : Bruno Garcia
[1] Aurélien Chérubini, 2019. Utilisation des méthodes de polarisation spontanée et polarisation provoquée pour la détection de CO2 en milieu poreux carbonaté. Thèse soutenue le 25 mars 2019 à IFPEN Rueil-Malmaison.
[2] Adrian Cérépi, Aurélien Chérubini, Bruno Garcia, Hervé Deschamps, André Revil, 2017. Streaming potential coupling coefficient in unsaturated carbonate rocks. Geophysical Journal International.
[3] Brooks, R.H., and Corey, A.T. (1964). Hydraulic properties of porous media. Hydrology paper N°3, Colorado State University, Fort Collins, Colorado, 22-27.
[4] Van Genuchten, M.T. (1980). A closed-form equation for predicting the hydraulic conductivity of unsaturated soils. Soil Sci. Soc. Am. J., 44, 892-898.