08.12.2020
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Mieux prédire la rétraction d’un ligament liquide intéresse aussi bien les activités IFPEN que les études sur la transmission du Covid. Après avoir conclu que la vitesse de Taylor-Culick était valide uniquement pour évaluer le temps caractéristique de rétraction d’un liquide en régime inertiel, des chercheurs IFPEN ont proposé une vitesse valide en régime visqueux.
De la transmission du Covid à l’atomisation d’un jet liquide : où est-il question des gouttes ?
La rétraction d’un ligament liquide est un processus générique intervenant dans de nombreuses applications traitées par IFP Energies nouvelles : que ce soit dans l’atomisation d’un jet liquide (application moteur) ou dans la fragmentation de gouttes en écoulements turbulents (procédés, traitement de l’eau).
Le mécanisme final de formation des gouttelettes naît généralement du pincement de ligaments liquides [1], problématique que l’on retrouve aussi dans la pandémie liée à la Covid 19 pour ce qui concerne la transmission du virus par les projections de salive[2].
Comment prédire la rétraction d’un liquide ?
La question principale dans toutes ses applications est de prédire si le ligament se rétractera en une seule entité sphérique (sa forme d’équilibre) ou se fragmentera en de multiples gouttelettes. Une manière simple d’effectuer une telle prédiction est de comparer le temps caractéristique de rétraction du ligament au temps caractéristique d’apparition des ondes capillaires responsable du pincement (figure).
La vitesse de Taylor-Culick, sa validité nuancée par de nouveaux travaux
Jusqu’à très récemment, le temps caractéristique de rétraction était estimé via une vitesse dite de Taylor-Culick[3,4], que le ligament soit très visqueux ou au contraire très inertiel. IFPEN a mené des travaux numériques et théoriques, avec le concours d’un post-doctorant et de la visite scientifique du Professeur Edson Soares, spécialiste en mécanique des fluides et caractérisation rhéologique des fluides complexes. Ces travaux ont permis de montrer que cette vitesse n’était valable qu’en régime inertiel et pour des temps suffisamment longs.
Régimes visqueux : une vitesse de rétraction décroissante au cours du temps
Les chercheurs ont par ailleurs proposé une solution auto-semblable - pour laquelle la forme de la goutte reste « similaire » au cours du temps – dans les régimes visqueux. Cette solution fournit une vitesse de rétraction qui, contrairement à la vitesse de Taylor-Culick, n’est pas constante mais décroît au cours du temps. Le ligament peut alors mettre un temps infini à se relaxer pour revenir à sa position d’équilibre !
Ces travaux ont fait l’objet de deux publications[5, 6] qui ont été distinguées parmi la sélection des éditeurs.
Contact scientifique : jean-lou.pierson@ifpen.fr
[1] Villermaux, E. (2020). Fragmentation versus cohesion. Journal of Fluid Mechanics, 898.
[2] Abkarian, M., & Stone, H. A. (2020). Stretching and break-up of saliva filaments during speech: A route for pathogen aerosolization and its potential mitigation. Physical Review Fluids, 5.
[3] Taylor, G. I. (1959). The dynamics of thin sheets of fluid. III. Disintegration of fluid sheets. Proceedings of the Royal Society of London. Series A. Mathematical and Physical Sciences, 253(1274), 313-321.
[4] Culick, F. E. C. (1960). Comments on a ruptured soap film. Journal of applied physics, 31(6), 1128-1129.
[5] Pierson, J. L., Magnaudet, J., Soares, E. J., & Popinet, S. (2020). Revisiting the Taylor-Culick approximation: Retraction of an axisymmetric filament. Physical Review Fluids, 5.
[6] Deka, H., & Pierson, J. L. (2020). Revisiting the Taylor-Culick approximation. II. Retraction of a viscous sheet. Physical Review Fluids, 5.