Afin de répondre aux enjeux de la transition énergétique, le sous-sol a un rôle à jouer, à la fois pour fournir des ressources et pour offrir des solutions de stockage. Il est par exemple indispensable pour produire de la chaleur dans le cadre de forages géothermiques, récupérer des métaux rares, comme le lithium, présents sous forme dissoute dans certaines eaux souterraines, ou encore rechercher des conditions géologiques favorables à la formation d’hydrogène. Il suscite également l’intérêt dans le cadre des problématiques de stockage, transitoire ou permanent, dans la mesure où les importants volumes disponibles dans les milieux poreux souterrains peuvent permettre de stocker temporairement de l’énergiea ou, à plus long terme, de piéger le CO2 capté sur des installations industrielles.
Les modèles numériques peuvent aider à mieux comprendre le sous-sol pour le gérer durablement et l’utiliser de manière optimale. Développés depuis de nombreuses années à IFPEN, initialement pour l’industrie pétrolière, de tels modèles couvrent des échelles qui s’étendent du bassin sédimentaire au réservoir :
- les modèles de bassinb sont destinés à la modélisation de l’environnement stratigraphiquec (DionisosFlowTM) ou à la modélisation de l’ensemble de l’histoire géologique du bassin considéré pour en déduire les propriétés et la localisation des fluides qu’il renferme (TemisFlowTM) ;
- à des échelles moindres de temps et d’espace, les modèles de réservoir prédisent le comportement dynamique des fluides et des fractures présents dans le sous-sol (PumaFlowTM, FracaFlowTM, TightFlowTM).
Ces outils forment également une excellente base pour répondre aux problématiques de production et de stockage d’énergie non fossile ou de gaz. Des travaux d’adaptation sont ainsi en cours à IFPEN pour apporter de nouvelles fonctionnalités aux modèles, en réponse à ces besoins émergents. On peut citer par exemple :
- la prise en compte avec TemisFlowTM du transfert de chaleur au travers de failles dans un bassin, pour mieux estimer et localiser son potentiel géothermique ;
- la modélisation des déplacements du CO2 injecté dans le sous-sol, ainsi que les interactions géochimiques induites avec la roche, via le développement du logiciel CooresFlowTM basé sur des éléments de PumaFlowTM.
Il est également apparu nécessaire d’intégrer plusieurs échelles et/ou plusieurs types de physique au sein d’un même modèle, comme cela se pratique déjà lors :
- de couplages entre outils « bassin » et « réservoir » afin d’identifier l’emplacement de zones potentielles de stockage de CO2 dans des régions peu explorées ;
- de l’intégration des aspects géomécaniques de manière à mieux représenter les effets tectoniques et mécaniques dans le sous-sol.
Les risques associés à ces nouvelles utilisations du sous-sol peuvent être étudiés grâce aux approches, disponibles ou en cours de développement, dans le domaine de la quantification des incertitudes (CougarFlowTM).
Ces différents travaux font l’objet de nombreuses collaborations, au sein du projet Ademe Aquifer-CO2Leak[1] ou du projet européen SENSE[2] par exemple. Dans le premier projet, l’utilisation de CooresFlowTM a été validée pour prédire l’écoulement de CO2 dans le sous-sol, en comparant les résultats numériques aux données d’un site expérimental situé à Saint-Emilion. Dans le second, un couplage entre un modèle de réservoir et un modèle géomécanique a été mis en œuvre afin de monitorer les sites de stockage de CO2 à partir de mesures satellites de déformation de surface.
D’autres projets collaboratifs, reposant sur la modélisation multi-échelle et multi-physique, sont en cours avec TotalEnergies. L’un d’eux étudie en particulier des approches combinant petites et grandes échelles afin de mieux prédire certaines propriétés du sous-sol lors d’un stockage de CO2 (figure 1). Un autre vise à réaliser, pour la première fois dans un cadre industriel, le couplage entre un modèle de bassin et un modèle géomécanique[3] en vue de mieux prédire la fracturation naturelle des roches sédimentaires sous l’effet des contraintes tectoniques (figure 2).
Ces travaux illustrent l’évolution de la modélisation du sous-sol déployée par IFPEN en réponse aux enjeux technologiques de la transition énergétique, ainsi que la forte mobilisation de ses chercheurs pour progresser dans ce domaine.
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a- Par exemple du gaz naturel, de l’air comprimé ou de l’hydrogène.
b- De l’ordre de 10 000 à 100 000 km2.
c- Succession des différentes couches géologiques ou strates.
Références :
[1] O. Gassara et al, The Aquifer-CO2Leak project: Numerical modeling for the design of a CO2 injection experiment in the saturated zone of the Saint-Emilion (France) site, International Journal of Greenhouse Gas Control, 2021. https://doi.org/10.1016/j.ijggc.2020.103196.
[2] S. Bouquet et al., Analysis of surface movement through conceptual and coupled flow-geomechanics models, an example of surface monitoring assessment for CCS project, Trondheim Conference on CO2 Capture, Transport and Storage, 2021.
[3] J. Berthelon, A. Brüch, D. Colombo, J. Frey, R. Traby, A. Bouziat, M.C. Cacas-Stentz, T. Cornu, Impact of tectonic shortening on fluid overpressure: Insights from the Neuquén basin, Argentina, Marine and Petroleum Geology, Volume 127, 2021. https://doi.org/10.1016/j.marpetgeo.2021.104933.
Contact scientifique : nicolas.maurand@ifpen.fr
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