Facebook Twitter LinkedIn Imprimer

Avec des émissions anthropogéniques s’élevant à plus de 40 milliards de tonnes de CO2 par an et malgré un captage de la moitié par les océans et la végétation terrestre, la concentration atmosphérique de ce gaz a atteint la valeur inédite de 420 ppm en avril 2021. Bien que le défi climatique rende urgent de limiter les émissions de CO2, certaines industries pourront difficilement s’en affranchir, comme les cimenteries (dont le cœur de procédé repose aujourd’hui sur la calcination du CaCO3) ou les raffineries, qui sont à l’heure actuelle très énergivores. C’est pourquoi un intérêt fort réside dans des procédés capables de récupérer le CO2 directement émis en sortie d’usine, là où il est concentré (plusieurs dizaines de pourcents), puis de le valoriser à un moindre coût énergétique.

Pour ce faire, une des voies les plus pertinentes s’inspire de la photosynthèse, et consiste à transformer le CO2 en molécules valorisables à l’aide de l’énergie photonique du soleil, abondante et renouvelable.

C’est dans ce contexte qu’IFPEN s’est engagé dans le développement d’une technologie adaptable en sortie des cheminées d’usine, ou directement en sortie de procédé, pour traiter par photocatalyse un effluent riche en CO2 (gaz de combustion, de calcination, de réaction, etc.) mais aussi en H2O. Le procédé visé repose sur l’usage de photocatalyseurs solides fonctionnant en phase gaz, ne nécessitant par conséquent ni solvant ni molécule sacrificiellea. Il permettrait par exemple de photoréduire le CO2 en intermédiaires chimiques : monoxyde de carbone (CO), méthane (CH4) ou encore éthane (C2H6).

L’effort historique engagé par la direction dans le domaine a été récemment reconnu par l’attribution à Antoine Fécant, l’un des précurseurs du sujet à IFPEN, du prix espoir IMT-Académie des Sciences 2021.

Actuellement, quatre axes de travail sont suivis en parallèle :
  

  • Le développement de nouveaux solides [1,2] qui, grâce à leurs propriétés semi-conductrices et catalytiques, permettront de réaliser la transformation désirée. Ces travaux sont menés dans le cadre de thèses en collaboration avec l’ITQ de Valenceb sur le développement de nouvelles zéolithes soufrées, et avec l’ETH de Zurichc sur le développement de nouveaux oxysulfures de métaux de transition.
      
  • La modélisation et la prédiction des propriétés opto-électroniques de différents solides [3] pour aider à sélectionner les matériaux les plus prometteurs dans le cadre de la chaire ROAD4CAT, en partenariat avec l’ENS de Lyon.
      
  • Le développement d’analyses in operando en collaboration avec le LCS de Caend, afin de caractériser les porteurs de chargee et les intermédiaires réactionnels en vue d’identifier les mécanismes réactionnels de la photoréduction du CO2.
      
  • Le design d’un photoréacteur performant qui permettrait de minimiser l’empreinte au sol du procédé.
     

Cliquer sur l'image pour l'agrandir

La photocatalyse
Figure : Pilote de laboratoire de photoconversion du CO2.

Au-delà des thèses, IFPEN s’implique sur cette thématique au travers de projets collaboratifs, comme par exemple :
  

  • au niveau national, au sein du projet ANR PMCOCAT, coordonné par l’institut Lavoisier de Versailles, qui débute en 2022 et pour lequel IFPEN réalisera les essais photocatalytiques de nouveaux matériaux composites à fort potentiel pour la réduction du CO2 ;
      
  • au niveau européen (programme Horizon 2020), au sein du projet SUN2CHEM démarré en 2020 et rassemblant 15 partenaires autour de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, pour lequel IFPEN réalise des analyses de cycle de vie (ACV) de procédés visant la photo(électro)réduction du CO2.
       

Après une dizaine d’années de recherche sur la photocatalyse, IFPEN est dépositaire d’une trentaine de brevets dans le domaine, en particulier sur des matériaux prometteurs tels que les éponges photoniques 3D, qui devraient répondre à la problématique de la diminution de l’empreinte au sol des procédés de photoconversion du CO2.

De plus, en 2021, IFPEN a mis au point un nouvel équipement de recherche pour la photoconversion (figure), unique en France grâce au large jeu de paramètres qu’il permet de faire varier (température, pression, débits de gaz, longueur d’onde d’irradiation, puissance d’irradiation, etc.). Cet outil peut être mis à disposition de tout laboratoire qui souhaiterait tester des nouveaux matériaux d’intérêt pour l’application visée.

a- Donneuse de protons
b- Thèse de Beatriz Silva-Gaspar (2019-2022)
c- Thèse de Sébastien Roth (2021-2024)
d- Thèse de Joudy Dankar (2020-2023)
e- Electrons ou trous
   


Références :

  1. Bulk Photo-Driven CO2 Conversion through TiO2@Si(HIPE) Monolithic Macrocellular Foams”, S. Bernadet, E. Tavernier, D.-M. Ta, R. Vallée, S. Ravaine, A. Fécant, R. Backov. Advanced Functional Materials. Volume 29, Issue 9, 2019, 1807767.
    >> https://doi.org/10.1002/adfm.201807767
        
  2. Plasmonic photocatalysis applied to solar fuels”, S. Bardey, A. Bonduelle-Skrzypczak, A. Fécant, Z. Cui, C. Colbeau-Justin, V. Caps, V. Keller. Faraday Discuss., 2019, 214, 417-439.
    >> https://doi.org/10.1039/C8FD00144H
       
  3. 2D MoO3-xSx/MoS2 Van Der Waals Assembly: A Tunable Heterojunction with Attractive Properties for Photocatalysis, M. Shahrokhi, P. Raybaud, T. Le Bahers, ACS Appl. Mater. Interfaces 2021, 13, 36465-36474.
    >> https://doi.org/10.1021/acsami.1c08200
       

Contact scientifique :  Audrey Bonduelle

>> NUMÉRO 47 DE SCIENCE@IFPEN
 

Vous serez aussi intéressé par

Modélisation moléculaire : un outil central pour la catalyse hétérogène d’aujourd’hui et de demain

La chimie théorique au niveau quantique (théorie de la fonctionnelle de la densité, DFT) constitue un outil incontournable pour rationaliser les mécanismes réactionnels en jeu dans la préparation des catalyseurs ainsi que dans leur utilisation, grâce à une amélioration de leur activité [1,2]. De nombreux travaux d’IFPEN visent à élucider ces mécanismes catalytiques d’intérêt pour les procédés industriels...