08.09.2023
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Les sites de géothermie de haute température peuvent, à la longue, rencontrer des problèmes de colmatage. En cause : les argiles très fines qui se trouvent dans les eaux de réinjection et qui réduisent de manière progressive la perméabilité du milieu souterrain, malgré les traitements apportés à ces eaux en surface. Des travaux de thèse ont permis de mieux comprendre les mécanismes en jeu et d’entrevoir les moyens d’action qui permettront de maintenir l’injectivité.
La problématique de la baisse d’injectivité
La production d’énergie géothermique exploite la chaleur d’un fluide présent dans le sous-sol profond et pour l’activer, une étape-clé de son cycle d’exploitation est la réinjection de l’eau dans le sous-sol. Dans une structure géologique poreuse, l’écoulement du fluide géothermal entraîne des particules solides pour lesquelles les roches agissent comme un filtre. La capture de ces particules cause alors une réduction progressive de la perméabilité du milieu poreux, pouvant conduire à une réduction drastique de l’injectivité et à un éventuel échec de l’opération industrielle.
Cette problématique de baisse d’injectivité a été rencontré dans les années 1980 dans les réservoirs gréseux du trias du Bassin parisien en raison du dépôt de nanoparticules d’argiles dans les milieux poreux naturels, conduisant à des problèmes de colmatage. Ces difficultés se rencontrent encore aujourd’hui, en dépit d’une filtration massive en surface des particules supérieures à 1µm en amont de la réinjection, ce qui est censé garantir un fluide faiblement concentré et des tailles de particules transportées bien inférieures (deux ordres de grandeur) aux seuils de pores des roches. Afin d’apporter une meilleure compréhension des mécanismes d’endommagement de ce type de formations géologiques, des recherches ont été menées dans le cadre d’un travail doctoral [1-3] pour : (1) identifier les argiles responsables du colmatage, (2) étudier la stabilité des argiles dans les conditions de la géothermie, et enfin (3) évaluer la baisse d’injectivité entraînée par le dépôt de particules d’argiles dans les milieux poreux.
Identification des argiles responsables du colmatage
Une caractérisation d’échantillons naturels provenant d’un puits géothermique1 a été réalisée. La diffraction des rayons X (DRX) puis l’analyse chimique et morphologique par microscopie électronique à balayage (MEB) couplée à la spectroscopie à dispersion d’énergie (EDS) ont permis d’identifier comme responsables les illites2, majoritaires et mobilisables par l’écoulement du fluide dans les environnements sédimentaires ciblés.
1 Puits FEX-1 de la série de Feigneux (indice national : 129-1-140) se trouvant à 60km au Nord-Est de Paris dans la formation des grès de Chaunoy
2 Minéraux argileux non expansifs du groupe des micas commun à de nombreux sols et substrats et principalement formées à partir de smectites (minéraux argileux gonflants) par l'incorporation de potassium entre les couches pendant la diagenèse des sédiments.
Etude de la stabilité des argiles dans les conditions de la géothermie
La stabilité des suspensions d’argiles dans les conditions de la géothermie, en amont de leur injection dans les milieux poreux, contrôle la formation d’agrégats pendant le transport et l’écoulement du fluide dans la formation géologique malgré la filtration du fluide en surface. La cinétique d’agrégation des argiles identifiées précédemment a été étudiée par diffusion dynamique de la lumière (DLS) dans différentes conditions physico-chimiques (température, concentration en particule, salinité…).
Etude de la baisse d’injectivité due au dépôt de particules d’argiles dans les milieux poreux
Des expériences d’injection des suspensions d’argiles analogues à celles du puits FEX-1 ont été menées sous différentes conditions hydrodynamiques et physico-chimiques. En particulier, l’impact du débit d’injection, de la salinité du fluide, de la température et de la concentration particulaire, a été étudié. Des interprétations basées sur la perte de charge engendrée par le dépôt des particules dans la porosité, complétées par de l’imagerie 2D en résonance magnétique nucléaire (RMN) et EDS-MEB, ont permis de comprendre le comportement des argiles lors de la réinjection et d’entamer une réflexion autour des éventuelles solutions pouvant être apportées pour surmonter ce problème.
Vers une modélisation numérique prédictive
L’un des résultats marquants de cette étude est synthétisé dans la figure ci-dessous où est illustrée l’altération à l’échelle micrométrique du réseau poreux observé à la fois en MEB et en RMN. Ce couplage de techniques permet d’apporter les éléments de compréhension pour interpréter les mesures de perte de charge en écoulement et ainsi mieux contraindre la modélisation numérique prédictive.
Références :
[1] Thèse de I. Raies : Identification et compréhension des mécanismes de déstabilisation colloïdale dans les procédés géothermiques, soutenue le 20-12-2022 (CY Cergy Paris Université), dans le cadre de l’École doctorale Sciences et ingénierie, en partenariat avec GEC - Laboratoire géosciences et environnement Cergy et IFPEN, jury : Beatrice Ledesert, Benjamin Brigaud, Henri Bertin, Eva Schill, Pierre Ungemach, Jean Schmittbuhl, Eric Kohler, Marc Fleury.
[2] Formation damage induced by clay colloids deposition in Triassic clastic geothermal fields: Insights from an experimental approach, 2023, Raies Ines, Kohler Eric, Fleury Marc, Pédel Nicolas, Ledésert Béatrice, Applied Clay Science 234, 106868
>> DOI: https://doi.org/10.1016/j.clay.2023.106868
[3] Clay-induced permeability decline in sandstone reservoirs: Insights from a coupled NMR-SEM experimental approach (2023) Raies Ines, Fleury Marc, Kohler Eric, Pédel Nicolas, Ledésert Béatrice, Geothermics 114, 102784
>> DOI: https://doi.org/10.1016/j.geothermics.2023.102784
Contact scientifique : eric.kohler@ifpen.fr