11.02.2022
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L’atteinte des objectifs et cibles du « Programme de développement durable à l'horizon 2030 » des Nations Unies ne se fera pas sans l’égalité des genres dans les sciences. C’est le message de la journée internationale des femmes et des filles de science qu’IFPEN partage au travers de sa politique d’égalité et d’ouverture. En ce vendredi 11 février, la parole est donnée à l’une de ses ingénieures de recherche, Vania Santos-Moreau, cheffe de projet du projet 3D dans le domaine du Captage, Stockage et Utilisation du CO2 (CCUS).
Pourquoi ce métier ? Quelles ont été vos motivations ?
Elles remontent à l’enfance : je l’ai vécue dans un très petit village portugais qui ne m’a pas offert de modèles de femmes scientifiques auxquels m’identifier. Je voulais sortir de mon environnement et accomplir des choses extraordinaires, mais je ne savais pas quel métier exercer.
Au moment de me poser la question de mon orientation, j’ai fait la rencontre déterminante d’une femme, la première ingénieure chimiste de la région, qui a témoigné de son expérience dans le domaine de la chimie et des procédés avec tant de motivation et d’enthousiasme que je me suis dit : « Et pourquoi pas moi ? ». J’ai donc intégré une école de chimie au Portugal après le lycée.
Le temps m’a montré que ce n’était pas tant la chimie en elle-même qui me plaît que son application au service d’un objectif. Voir un projet naître et constituer une équipe pour le faire avancer, voilà ce qui me motive profondément.
Que signifie pour vous être "une femme de science" ? Que dire de la place des femmes dans votre secteur ?
Beaucoup d’efforts ont été faits pour que les femmes soient davantage représentées dans les entreprises et accèdent à des postes à responsabilités : il faut les saluer, mais aussi les poursuivre. En tant que cheffe de projet, une femme rencontre encore et toujours des difficultés. D’où l’importance d’assumer ce rôle pleinement, et surtout de le faire en restant soi-même, c’est-à-dire en n’hésitant pas à appliquer une méthode de travail en accord avec ses convictions profondes.
En tant que cheffe du projet 3D par exemple, ma priorité concerne le bien-être des femmes et des hommes de mon équipe. Mon management valorise un travail d’équipe basé sur la sincérité, l’empathie, la responsabilisation des équipes, et l’humilité quant à sa place dans le projet. Il fonctionne très bien et produira, j’en suis sûre, des résultats tout à fait surprenants.
Le projet « 3D » en quelques chiffres
Projet européen H2020
Objectif : opérer la démonstration d’un procédé innovant de captage de CO2 d’origine industrielle, DMX™
Budget de 19,3 millions d’euros sur 4 ans, dont 14,8 millions d’euros de subventions de l’Union européenne
11 partenaires
118 femmes et 157 hommes
Vous avez participé au workshop "Women in CCUS" dans le cadre du projet C4U : quel bilan tirez-vous de cette expérience et de la rencontre avec d'autres femmes du secteur ?
Cette participation m’a apporté beaucoup car elle a été l’occasion d’échanger avec les collègues femmes - scientifiques ou non scientifiques – qui travaillent dans divers projets à travers le monde dans le domaine du CCUS. J’ai pu confronter mon expérience à celle d’ingénieures plus âgées qui m’ont encouragée à chasser mes doutes quant à mes compétences en tant que leader et à prendre ma place indépendamment des comportements sexistes (plaisanteries, mansplaining*, etc.) qui sont encore une réalité aujourd’hui.
Le workshop m’offrait également l’opportunité de mettre à l’honneur les femmes travaillant sur le projet 3D, issues aussi bien de la recherche que des directions fonctionnelles, et de renforcer notre lien. J’ai constaté qu’elles étaient particulièrement heureuses de voir que le rôle qu’elles avaient joué avait compté et pouvait servir d’exemple.
*Néologisme inventé pour caractériser une attitude consistant pour un homme à expliquer à une femme ce qu’elle sait déjà, et parfois dans un domaine dont elle est experte.
Des conseils pour les jeunes filles et les jeunes femmes d’aujourd’hui ?
Le premier conseil que je donne à ma fille concerne l’école : faire de son mieux pour ne pas avoir de regrets ! Le système scolaire conditionne nos parcours et il faut se donner toutes les chances de choisir sa vie. Le deuxième concerne le droit à l’erreur : il est tout à fait possible de s’engager dans une voie puis de revenir en arrière si on s’aperçoit qu’elle ne nous convient pas.
J’estime aussi qu’il est important de ne pas hésiter à quitter ce que l’on connaît, ses parents, sa région natale, pour saisir d’autres opportunités à l’étranger. S’engager dans le travail universitaire de thèse peut également être très enrichissant en termes de connaissances et de rencontres, mais plus généralement l’important reste d’expérimenter, de garder un œil curieux sur la vie.
Quoiqu’il en soit, je terminerai par leur dire que la science est un domaine merveilleux quand on souhaite faire avancer les choses ! Le choix d'une spécialité dépend de nos sensibilités, mais que le domaine scientifique soit source d'accomplissement, ça ne fait aucun doute !