25.02.2019
30 minutes de lecture
2018 marque un tournant pour le marché automobile. Pour la première fois en dix ans, les ventes de véhicules particuliers sont en baisse, impactées par la mise en place de nouvelles réglementations, la guerre commerciale entre la Chine et les USA et les problèmes politiques dans plusieurs pays européens… Dans ce contexte, les ventes de véhicules légers électriques ont continué leur progression pour atteindre un nouveau record avec deux millions de véhicules, représentant plus de 2 % des ventes. Néanmoins avec un parc de cinq millions de véhicules électriques dans le monde, le secteur du VE reste marginal. Un certain nombre d’incertitudes techniques et économiques doivent encore être levées pour que ce marché prenne un véritable essor.
Un marché automobile en léger recul
Avec un peu moins de 95 millions de véhicules particuliers et légers (VP) vendus dans le monde, le marché automobile mondial est en léger recul de 0,5 % cette année pour la première fois depuis 2009.
Alors que le début de l’année 2018 était plutôt prometteur avec au premier semestre des ventes en augmentation de plus de 4 % en glissement annuel, le marché a commencé à ralentir à l’été 2018 pour se retourner sur la fin de l’année. Les baisses se sont réparties sur les principaux marchés, mais c’est surtout en Europe et en Chine qu’elles ont été les plus fortes.
Marché européen : nouvelles réglementations et ralentissement économique pèsent sur les ventes
En Europe, le changement de cycle d’homologation des véhicules a fortement perturbé les ventes de VP à l’automne 2018. Beaucoup plus contraignant que l’ancien cycle NEDC, le WLTP (World Harmonized Light Vehicles Test Procedure) utilise des cycles de roulage (sur banc) reproduisant d’une manière plus réaliste l’usage d’un véhicule (vitesse maximale supérieure, accélérations plus franches, etc.). Mal anticipé par les constructeurs, ce changement de cycle les a obligés à revoir complètement leur gamme de véhicules en retirant, temporairement ou non, certains modèles et en stockant une bonne partie de leur production en attendant de les faire homologuer par les laboratoires. Sur les quatre derniers mois de l’année, les ventes se sont ainsi écroulées de plus de 10,5 %, en glissement annuel. Sur l’année 2018, les ventes de VP en Europe s’élèvent à 16,2 millions de véhicules, en baisse de 0,3% par rapport à 2017.
Le marché européen a également été touché par le ralentissement économique et des problèmes politiques dans certains marchés clés comme au Royaume-Uni avec le Brexit (baisse de 7 % des ventes) ou en Italie (baisse de 3 % des ventes). Dans ce contexte, le marché français a plutôt bien résisté avec des ventes en 2018 en augmentation de + 3,0 %, malgré une baisse de 10 % des ventes au dernier trimestre.
Après une fin d'année 2018 difficile, le marché automobile en Europe de l'Ouest devrait retrouver un rythme de croissance en 2019. Certains marchés comme l’Espagne, l’Italie et la France devraient être porteurs, mais les incertitudes qui planent sur l’évolution de la situation économique risquent de freiner la reprise du marché automobile européen.
Chine : la guerre commerciale avec les États-Unis fait reculer le plus grand marché automobile mondial
En Chine, pour la première fois, les ventes de VP sont en recul de 3,1 % avec 27,7 millions de véhicules vendus en 2018. L’arrêt des mesures fiscales incitatives pour l'achat de petites voitures mais surtout la détérioration des relations commerciales entre la Chine et les États-Unis combinés à la forte appréciation du yuan face au dollar expliquent le recul des ventes sur le plus grand marché automobile mondial.
En réponse à la politique protectionniste de la Chine et de ses pratiques commerciales, les États-Unis ont mis en place, à partir de l’été 2018, des droits de douane sur environ 250 G$ de marchandises chinoises importées. S’agissant du secteur automobile, la taxe d’importation initialement de 2,5 % a été portée à 25 % pour les véhicules et les pièces provenant de Chine.
De son côté, la Chine a mis en place des hausses tarifaires, à hauteur de 110 G$, dont une taxe de 40 % sur les automobiles américaines. Début décembre, au sommet du G20, une trêve temporaire a été décidée entre les deux pays mettant fin provisoirement à l’escalade des droits de douane en attendant la signature d’un nouvel accord. Les deux pays se sont donnés jusqu’en mars 2019 pour trouver un accord.
Dans ce contexte, la Chine a annoncé mi-décembre qu’elle supprimerait temporairement les droits de douane supplémentaires de 25 % sur les automobiles américaines et de 5 % sur certaines pièces automobiles américaines pendant trois mois, à compter du 1er janvier 2019. À ce stade, les perspectives sont cependant incertaines même si de nombreux experts estiment que la situation actuelle sera résolue entre les deux pays par la négociation et qu’un accord sera signé en 2019.
Les effets potentiels d'une véritable guerre commerciale sur l'industrie automobile entre la Chine et les États-Unis ne sont pas clairs tant ce secteur est mondialisé et dépendant de réseaux de chaînes d'approvisionnement intégrés à l'échelle mondiale.
États-Unis : un marché qui se stabilise
Après avoir légèrement baissé en 2017, le marché américain des VP termine l’année en très légère augmentation à 17,2 millions. Depuis quelques années, le marché américain s’est stabilisé avec des ventes annuelles oscillant entre 17 et 17,5 millions. Face à la stagnation des ventes en volume, les constructeurs ont multiplié les offres commerciales à travers des financements attractifs, soit avec des taux d'intérêt très bas, soit avec des maturités beaucoup plus longues. Fin 2017, la Banque fédérale de New York évaluait le montant total des prêts automobiles à plus de 1 200 G$.
Sur la même tendance que ces dernières années, la part de marché des berlines et autres citadines est en fort recul au profit des SUV qui représentent aujourd’hui plus des deux tiers des ventes de véhicules neufs.
Les perspectives des ventes de VP aux États-Unis à court terme sont orientées à la baisse dans un contexte économique moins favorable avec la remontée des taux d’intérêt et l’incertitude concernant l’évolution des accords commerciaux avec la Chine, d’une part, et avec le Canada et le Mexique, d’autre part. Plusieurs analystes envisagent des niveaux de ventes sous les 17 millions de véhicules pour 2019 et 2020.
Un parc automobile qui se dé-diésélise progressivement
Suite au scandale Volkswagen, le Diesel gate, la multiplication d’études sur l’impact sanitaire des particules émises par le diesel et la multiplication des initiatives visant à restreindre ou à interdire les véhicules diesel les plus polluants dans les grandes villes européennes (Paris, Athènes, Madrid, Stuttgart, Düsseldorf, Rome, etc.), les ventes de VP diesel sont en chute libre. La baisse est particulièrement importante en Europe avec des ventes en baisse de plus d’un million de véhicules. En termes de part de marché, les véhicules diesel ne représentent plus que 34 % des ventes contre 56 % en 2011.
Les pays européens où les ventes de véhicules diesel ont le plus reculé sont : le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France et l’Espagne. En France, le taux de diésélisation a baissé de 11 points de pourcentage cette année et se situe à 35 %.
Dans ce contexte, plusieurs constructeurs ont annoncé la fin de leurs ventes de véhicules particuliers diesel : à partir de fin 2018 pour Toyota en Europe, d’ici 2022 pour Fiat Chrysler Automobiles. Le plan stratégie Drive the future de Renault, prévoit une réduction de son offre diesel de 50 % d’ici 2022 et PSA va accélérer le développement de modèles hybrides essences et électriques d’ici 2021. Par ailleurs, toutes les voitures neuves lancées par Volvo à partir de 2019 seront partiellement ou totalement électrifiées.
En Europe, malgré la baisse importante des ventes de VP diesel, la consommation de diesel continue d’augmenter compte tenu du parc de VP diesel existant (en France, sur les 32,7 millions de VP, 19,8 millions sont des véhicules diesel) mais également du fait que plus de la moitié du diesel routier est consommée pour le transport de marchandises pour lequel les solutions alternatives restent à développer.
Selon l’AIE, la consommation de diesel dans les pays OCDE Europe a légèrement augmenté de 0,7 % en 2018 contre plus de 3,6 % en 2017 et pourrait même baisser en 2019 (-0,5 %), essentiellement pour des raisons liées à l’évolution de la situation économique et son impact sur le fret routier.
La stratégie des constructeurs : investir massivement dans l’électrification, sous toutes ses formes
Il y a dix ans, seuls quatre gouvernements dans le monde avaient instauré des normes d’émissions de CO2 pour les voitures. Aujourd’hui, plus d’une quinzaine de pays ont établi des objectifs de réduction à très court terme (95 gCO2/km en 2021 pour l’Europe, 99 gCO2/km pour les États-Unis en 2025).
Malgré les progrès des moteurs thermiques, l’électrification des véhicules est devenue pour les constructeurs une nécessité pour assurer le respect des engagements en termes de normes de pollution. Quatre grands types d’électrification sont actuellement utilisés par les constructeurs : l’hybridation non rechargeable (la plus courante actuellement avec 2,5 % des ventes de VP), le véhicule à batterie électrique (en très forte augmentation ces derniers mois avec 2,1 % des ventes de VP), l’hybridation rechargeable (PHEV : 0,7 % des ventes de VP ), et les véhicules à pile à combustible (option encore très marginale à ce stade avec 3 500 véhicules vendus en 2018).
Fin 2018, on estime que 5,5 % des véhicules dans le monde étaient électrifiés plus ou moins fortement.
Dans ce contexte, les grands constructeurs automobiles multiplient les annonces sur leurs stratégies d'électrification qui tournent autour de deux grandes tendances : proposer des versions électrifiées de modèles existants (soit hybride rechargeable, soit électrique) et surtout développer de nouveaux modèles de véhicules électriques à l’image de Volvo qui a annoncé que toutes ses voitures neuves lancées à partir de 2019 seront partiellement ou totalement électrifiées.
En 2011, il n’existait que trois modèles de véhicules BEV aux États-Unis. Aujourd’hui, on compte dans le monde plus de 140 modèles de BEV, mais cette offre devrait considérablement augmenter dans les prochaines années, les constructeurs ayant bien compris que, pour accélérer leurs ventes, ils devaient proposer aux consommateurs une offre beaucoup plus élargie.
En particulier, l’attrait des consommateurs pour des véhicules de type SUV devrait dans un premier temps favoriser les ventes de PHEV, en attendant que l’offre de BEV pour les véhicules de cette catégorie ne se développe et devienne compétitive. Certains constructeurs se sont déjà engagés dans cette direction comme Tesla avec son Model X, Jaguar avec le iPace et Hyundai avec son Kona EV. De nouveaux modèles de SUV électriques sont attendus également chez GM et VW (I.D. Crozz SUV en 2020).
Tous les constructeurs automobiles ont aujourd’hui clairement précisé leurs ambitions en matière d’électrification annonçant la sortie de nombreux nouveaux modèles : BMW a annoncé sortir 25 véhicules électriques (12 BEV) d’ici 2025 ; Daimler prévoit de lancer 10 modèles d'EV en 2022 ; VW, 3 modèles en 2020, 23 en 2025 ; Renault-Nissan-Mitsubishi, 12 modèles d’ici 2022 ; PSA, 7 PHV et 4 EV en 2021, etc.
Une étude récente compilant les plans d’investissement annoncés des principaux constructeurs automobiles sur la période 2020-2025, estime à plus de 300 milliards de dollars les investissements nécessaires au développement et à la commercialisation des véhicules électriques. Un chiffre très probablement sous-estimé.
Avec l’augmentation significative de la production des VE annoncée par les constructeurs pour les prochaines années, le marché du VE pourrait alors se retrouver en surproduction par rapport à la demande. Dans une étude récente, Deloitte estime cette surcapacité à 14 millions d’unités en 2030.
Le marché mondial du VE continue son essor mais reste marginal (0,5 % du parc de VP)
On compte actuellement environ cinq millions de véhicules électriques (VE) en circulation dans le monde, soit environ 0,5 % du parc total de véhicules légers. Plus des deux tiers des VE sont 100 % électriques (BEV). La Chine est de loin le premier marché du VE avec plus de 2 millions de véhicules en circulation, soit le double de l’Europe ou des États-Unis.
En 2018, les ventes de VE ont atteint les deux millions, soit environ 2 % des ventes de VP. Si les ventes de VE progressent dans tous les principaux marchés automobiles, c’est surtout en Chine que l’augmentation est notable avec des ventes annuelles qui ont doublé en un an dépassant ainsi le million. La progression des ventes de BEV sur l’ensemble des marchés a été particulièrement forte sur la fin de l’année propulsant les BEV en tête du marché des VE.
Au classement mondial des constructeurs de BEV, Tesla est en tête avec 17 % des ventes de BEV, suivi par le chinois BAIC (12 %) et Renault-Nissan (11 %).
États-Unis : Tesla fait décoller le marché des BEV
En 2018, les ventes de VE aux USA ont progressé de plus de 84 % avec 36 000 unités, dont plus des 2/3 sont des BEV. Au total, cela représente 2 % des ventes de VP. Le parc de VE aux États-Unis atteint 1,1 million, soit 0,4 % du parc de véhicules. À la mi-année, le marché américain du VE a fortement accéléré suite à l’augmentation des cadences de production de la Model 3 de Tesla.
Le marché américain est d’ailleurs très largement dominé par Tesla qui y réalise plus de 51 % des ventes de VE en 2018 (et plus de 78 % des ventes de BEV). La Model 3 représente, à elle seule, 60 % des ventes de BEV.
Sur l’année 2018, plus de 152 000 Tesla ont été vendues et on estime qu’il y a environ 320 000 Tesla actuellement immatriculées sur ce territoire. Le numéro deux des ventes est Chevrolet (groupe GM) mais très loin derrière avec 16 000 Bolt immatriculées en 2018.
Le marché du VE aux États-Unis reste un marché tiré par de nombreux programmes de subventions au niveau fédéral, des États et des régions. En combinant l’ensemble des subventions et des prêts bonifiés, la valeur totale du programme fédéral pour le développement du véhicule électrique est estimée à 43 G$. À ceci se rajoutent les aides des États qui varient de 7 500 US$ à 15 000 US$ (en Californie).
Ces mesures très incitatives de soutien à l’achat expliquent la forte augmentation des ventes de VE de ces dernières années. En 2019, les aides fédérales pour Tesla et GM vont cependant se réduire à 3 750 US$ puis progressivement s’arrêter, les deux constructeurs ayant dépassé le seuil maximum des 200 000 véhicules. Tesla a d’ailleurs déjà décidé de baisser
les prix de vente de ses véhicules de 2 000 US$ pour compenser la baisse des aides gouvernementales et a annoncé des restructurations (licenciement de près de 9 % de son effectif total) pour optimiser sa production.
Les perspectives de ventes pour les années à venir dépendront alors de la compétitivité intrinsèque des VE et de la volonté de certains États ou des constructeurs à prendre le relais des aides fédérales.
Europe : un marché hétérogène qui peine encore à décoller
En comparaison des marchés américain et chinois qui ont connu en 2018 une forte accélération des ventes de VE, le marché européen a continué son développement sur un rythme beaucoup plus régulier. La variabilité des politiques publiques, l’absence de coordination et de planification des politiques de soutien, et le manque d’infrastructures dans certains pays européens à ce jour limitent la part des ventes de VE à quelques pourcents, sauf en Norvège où on s’approche les 40 % cette année.
Malgré un léger ralentissement sur la fin de l’année, les ventes de VE en Europe approchent les 360 000 unités en 2018, en hausse de +33 % par rapport à l’année dernière. Le parc de VE atteint 1,2 million de véhicules soit 0,3 % du parc de véhicules roulants.
Le marché des BEV dépasse celui des PHEV, dont les ventes ont ralenti suite au changement de cycle d’homologation qui a retardé la sortie des nouveaux modèles et à l’arrêt des subventions à l’achat dans certains pays. En 2019, compte tenu des annonces des constructeurs, les ventes de PHEV devraient rebondir, en particulier pour les ventes dans le segment C et les SUV.
Les marchés les plus porteurs en volume de ventes en 2018 sont la Norvège (86 000), l’Allemagne (78 000), le Royaume-Uni (62 000) et la France (61 000). Ces quatre pays cumulent à eux seuls près de 70 % des ventes de VE en Europe.
Précurseur du véhicule électrique en Europe, le groupe Renault-Nissan est de plus en plus concurrencé sur ce marché par les constructeurs allemands et l’arrivée des marques chinoises. En trois ans, le groupe a ainsi perdu près de 20 points de parts de marché. Il reste néanmoins majoritaire avec 24 % des ventes en 2018 (45 % en 2015), grâce aux ventes de la Leaf et de la Zoé. L’augmentation des capacités de production de batteries en Europe devrait favoriser le développement du véhicule électrique et permettre aux ventes d’accélérer.
Chine: Le VE comme stratégie nationale
Le développement spectaculaire du véhicule électrique en Chine est le résultat d’une politique nationale ambitieuse annoncée dès 2015 dans le plan Made in China 2025. La mise en place de nombreux outils économiques (aides publiques à l’achat très généreuses, subventions indirectes, barrières douanières) a permis non seulement de dépasser le million de VE vendus cette année mais également de créer de véritables champions nationaux (BYD, BAIC, SAIC, Geely) qui dominent le marché mondial du véhicule électrique.
Avec des ventes de VE en augmentation de 80 % en 2018, on estime qu’il y a actuellement plus de 2,1 millions de véhicules électriques légers en circulation en Chine, soit 1,2 % du parc. Majoritairement (+70 %) ce sont des véhicules 100 % électriques.
Contrairement à d’autres pays, la croissance exceptionnellement forte des ventes de VE en Chine n'est toutefois pas tirée par la consommation privée, mais principalement par des flottes de véhicules d’entreprise et par les filiales d’autopartage créées par les constructeurs automobiles (Cao Cao Cao et Xiangdao, appartenant à Geely et SAIC respectivement).
Victime du succès de sa politique pro-EV, la Chine est contrainte de revoir son système d’aides publiques, devenu trop coûteux. À partir de l’année prochaine, les aides financières à l’achat de véhicules électriques devraient pratiquement disparaître pour les véhicules ayant une autonomie limitée. Seuls les véhicules ayant une autonomie de plus de 300 km continueront de percevoir une aide publique. Autre mesure, le système dit du « double score » entrera en vigueur en 2019. Ce système qui impose aux constructeurs des objectifs en termes de pourcentage de production (et d’importation) de véhicules thermiques (10 % en 2019) en tenant compte également du nombre et des caractéristiques des VE produits ou importés, permettra au gouvernement chinois de reporter sur les constructeurs l’effort nécessaire pour soutenir la filière du VE.
Enfin, la Chine a également annoncé plusieurs mesures d’ouverture de son marché qui devraient à terme permettre aux constructeurs étrangers d’installer des usines de production sans être forcément associés à des constructeurs chinois.
Compte tenu de ces nouvelles mesures, la dynamique du marché du VE en Chine devrait continuer d’être forte. L’ambition du gouvernement est d’ailleurs d’atteindre les 2 millions de VE vendus en 2020, 7 millions en 2025 et 16 millions en 2030. Néanmoins, il faudra voir si les nouvelles mesures mises en place seront suffisantes face à l’incertitude sur l’évolution de la situation économique et des relations commerciales avec les États-Unis.
Quelles perspectives pour 2019 ?
Dans un contexte mondial de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de lutte contre la pollution des villes, le développement du VE reste une priorité pour de nombreux gouvernements. Ce marché reste cependant embryonnaire et de fait extrêmement sensible aux politiques publiques et autres mesures pour encourager son développement.
En considérant le maintien de ces politiques, la dynamique des ventes de VE devrait se poursuivre sur le même rythme que ces dernières années et même s’amplifier. Pour 2019, IFPEN estime que les ventes de VE pourraient alors atteindre les 2,9 millions de VE (3 % des véhicules vendus dans le monde).
À plus long terme, il n’y a pas de véritable consensus actuellement sur le taux de pénétration des VE. Néanmoins, on observe, parmi les différents scénarios publiés récemment une certaine convergence sur la période (2030) à partir de laquelle le marché des VE devrait vraiment décoller.
En 2030, l’AIE prévoit une part des VE dans le parc automobile mondial variant entre 9 % (scénario New Policy du World Energy Outlook 2018) et 15 % (scénario EV30@30). Pour le marché européen, IFPEN, dans le cadre du projet européen SCelecTRA1 (2015) estimait la part de marché des VE autour de 30 % dans le scénario le plus optimiste et 20 % dans le scénario le plus réaliste.
En 2040, les prévisions divergent sensiblement. La vision des pétroliers (BP, ExxonMobil et l’Opep) reste conservatrice ? avec un taux de pénétration autour de 15 %, même si leurs scénarios sont révisés à la hausse chaque année. Parmi les scénarios les plus optimistes en termes de pénétration du VE, on peut citer le scénario BNEF avec près de 600 millions de véhicules (33 % du parc) en 2040 ou le scénario WEO Future is Electric Scenario avec 950 millions de VE en 2040 soit plus de 50 % du parc.
Les scénarios IFPEN s’inscrivent dans cette tendance. Dans le scénario de référence (IFPEN4D), la part de VE atteint 13 % en 2040 contre plus de 46 % en 2040 pour un scénario respectant les Accords de Paris (IFPEN 2D).
Les grands défis du VE : développement des infrastructures et compétitivité
Le développement à grande échelle du véhicule électrique suppose la levée de deux grands verrous :
- le développement des infrastructures de recharge à grande échelle, indispensable pour garantir aux utilisateurs un usage du véhicule électrique similaire à celui des véhicules actuels ;
- améliorer la compétitivité du véhicule électrique : le véhicule électrique ne prendra son plein essor que lorsqu’il sera accessible. Les aides à l’achat pour véhicules électriques sont considérées comme encore indispensables à court et moyen terme pour contribuer à l’essor de la filière. La fin des aides à l’achat dans plusieurs pays (États-Unis, Chine, etc.) soulève la question de la compétitivité de la voiture électrique par rapport aux véhicules thermiques.
Infrastructures de recharge
Aujourd’hui, la plupart des stations de recharge sont installées chez les particuliers, sous la forme soit d’un boîtier mural dédié (wallbox) ou simplement d’un cordon de charge branché sur une source d'alimentation domestique. La puissance, en général, ne dépasse pas les 22 kW en courant alternatif et il faut en moyenne entre 6 et 8 h pour recharger sa voiture.
Dans le domaine public, il n’existe pas encore de standards en matière d’infrastructure de charge pour véhicules électriques. Les spécifications des types de points de charges (voltage, forme des prises et connecteurs, etc.) varient d’un pays et d’un constructeur à l’autre. Même s’il existe encore de nombreuses bornes de recharge en courant alternatif de 40 kW, la tendance aujourd’hui est de construire des chargeurs en courant continu avec des puissances de plus en plus grandes allant jusqu’à 400 kW, permettant ainsi une recharge quasi complète d’un véhicule en une demi-heure. En Europe, trois grands standards de bornes de recharge se partagent le marché : CCS Combo, Chademo et Tesla.
Fin 2018, on comptait 6 000 bornes CCS en Europe dont 1 500 en Allemagne, 1 100 au Royaume-Uni et 544 en France. Le Chademo, norme japonaise portée entre autres par Nissan, Mitsubitshi et Toyota, est la norme la plus répandue en Europe et Asie. On compte actuellement 22 600 bornes Chademo dans le monde, dont 7 900 en Europe et 2 900 en Amérique du Nord. Enfin selon les dernières statistiques, il y aurait 435 stations Tesla en Europe, ce qui représente 3 700 points de recharge rapide. Au niveau mondial, Tesla comptabilise plus de 12 000 bornes superchargeurs.
Finalement, en Europe à fin 2018, on comptait 140 000 bornes publiques de recharge dont seulement 5 % en charge rapide. Par rapport à la flotte de VE, cela correspond à environ 8,3 VE par point de charge, l’objectif de la Commission européenne étant un quota d'un chargeur pour dix véhicules électriques.
Compétitivité du véhicule électrique
Le prix de l’énergie est un élément clé de la compétitivité des véhicules.
En 2018, le prix moyen de l’essence vendue à la pompe en France était de 1,48 €/l et le prix du gasoil 1,44 €/l. En comparant les prix sur une même base énergétique, le prix du diesel en équivalent essence était 11 % moins cher à 1,31 € par litre équivalent essence (leq) et le prix de l’électricité 2,6 fois moins cher à 0,57 €/l eq2. Avec un prix autour de 0,88 €/leq, le superéthanol-E85 a incité de nombreux consommateurs à installer un boîtier de conversion sur leur voiture, propulsant les ventes de ce carburant (+55 % sur un an).
Cependant, lorsqu'il s'agit de choisir un véhicule, l’indicateur économique utilisé pour déterminer ce choix est le coût global de possession (TCO, pour Total cost of ownership). Cet indicateur prend en compte l’ensemble des coûts liés à l’achat et l’utilisation (énergie, maintenance, assurance, etc.) du véhicule sur toute sa durée de vie y compris sa valeur résiduelle.
Avec la chute des prix des batteries, la montée du prix des carburants fossiles et du prix d’achat des véhicules thermiques, la convergence des TCO thermique et électrique approche. Néanmoins, l’analyse détaillée du calcul montre que le type d’usage (urbain, périurbain, autoroutier, etc..), et le nombre de kilomètres parcourus conditionnent fortement les résultats.
Dans une étude récente réalisée avec l’Ademe (étude E4T3, IFPEN a évalué l’évolution des TCO de différents types de véhicules et motorisations dans de nombreuses configurations. Les conclusions de l’étude montrent qu’avec les caractéristiques actuelles des véhicules (prix, consommation), les véhicules électriques sans aide de l’État ne sont pas compétitifs.
Pour une petite citadine (segment A), parcourant 8 000 km par an, le véhicule électrique devient compétitif à partir de 2025 pour une utilisation normalisée (WLTC). En 2030, l’écart de compétitivité est de trois points de pourcentage avec le véhicule essence.
On note le positionnement intéressant de la solution Mild Hybrid-48V, qui pour un investissement initial relativement limité (proche de celui d’un véhicule thermique) permet des gains de consommation significatifs.
L’écart de compétitivité entre le VE et le véhicule thermique augmente si l’on considère uniquement des déplacements urbains à condition de ne pas surdimensionner la batterie électrique. De même l’avantage économique du VE augmente avec le nombre de km parcourus.
Pour les véhicules du segment C, le véhicule 100 % électrique devient compétitif à partir de 2020. En 2030, l’écart de compétitivité est de 9 points de pourcentage (pp) avec le véhicule essence et de 17 pp avec le véhicule diesel qui devient l’option la moins économique compte tenu de l’augmentation du prix d’achat et de l’augmentation du prix du carburant.
CONCLUSION
2018 marque un tournant pour le marché automobile. Pour la première fois en dix ans, les ventes de véhicules particuliers sont en baisse, impactées par la mise en place de nouvelles réglementations, la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis et les problèmes politiques dans plusieurs pays européens.
Dans ce contexte, les ventes de véhicules légers électriques ont continué leur progression pour atteindre un nouveau record avec deux millions de véhicules, représentant plus de 2 % des ventes. Néanmoins avec un parc de cinq millions de véhicules électriques dans le monde, le secteur du VE reste marginal.
Dans les meilleurs scénarios, le VE ne prendra une part de marché significative que vers 2030, à condition d’accompagner son déploiement dans la durée par des politiques publiques volontaristes, d’accélérer le déploiement des bornes de recharge et rendre le véhicule électrique plus abordable.
Karine Beauquin - Élisabeth Ubrich - Cyprien Ternel - Jérôme Sabathier
Manuscrit remis en février 2019
(1) IFPEN 2018. Bilan transversal de l’impact de l’électrification par segment : projet E4T. Ademe
(2) Tarif résidentiel, recharge lente. Prix incluant l’abonnement
(3) Scenarios for the electrification of transports in Europe - SCelecTRA Final Report, Report, EU, SCelecTRA (FP7 ERA-NET project), June 2015