Le transport de particules colloïdales dans des milieux poreux concerne de nombreux domaines, dont les géosciences et l'ingénierie environnementale. Or les interactions particule-matrice peuvent produire la formation et l'accumulation de dépôts, avec à la clé un risque d’endommagement du milieu et d’altération de sa perméabilité.
Ce phénomène est particulièrement fréquent dans les nombreux systèmes naturels et industriels où la matière est présente à l’échelle finement divisée : c’est notamment le cas dans les domaines de la production pétrolière (particules solides, émulsions, asphaltène, etc.), de la géothermie et de la dépollution des eaux et des sols. Ainsi, lors d’opérations de production et de réinjection de fluides par exemple, des particules fines (endogènes ou/et exogènes) peuvent colmater les pores dans la colonne du puits sous l’effet d’importants changements physico-chimiques et hydrodynamiques, réduisant très fortement l’injectivité et la productivité, au point parfois de devoir condamner des puits. Contrôler ces phénomènes en milieu poreux représente donc un enjeu majeur pour les industries concernées.
A IFPEN, le problème a été étudié à l’origine pour la production des hydrocarbures et concerne aujourd’hui d’autres contextes applicatifs : la géothermie et le stockage géologique du CO2. Pour comprendre et caractériser expérimentalement ces phénomènes de dépôt/colmatage et leurs conséquences sur les propriétés pétrophysiques des milieux, des moyens dédiés ont été développés :
- des dispositifs corefloodsa équipés de prises de pressions intermédiaires permettant une caractérisation des dépôts formés à l'échelle du Darcyb ;
- un système haute pression de filtration sur membrane équipé d’une caméra pour suivre l’évolution de l’épaisseur du cake (accumulation des particules à l'entrée du milieu)c ;
- des micro-modèlesd permettant l'observation directe des phénomènes d'écoulement à l'échelle du pore, ainsi que la caractérisation des dépôts et des mécanismes impliqués à cette échelle.
Leur mise en œuvre dans de nombreux projets de recherche a permis d’identifier et de caractériser les différents régimes et cinétiques de dépôt en milieu poreux, et d’en proposer une modélisation physique, à la fois générique et originale. Celle-ci prend la forme de lois d’échelle, de type loi de puissance du nombre de Peclet (Peg)e, avec un exposant universel égal à -2/3 et un pré-facteur qui dépend de la nature de la particule, ainsi que l’illustre la figure pour trois types de colloïdes.
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Une approche pragmatique a ensuite été proposée pour la modélisation des pertes d’injectivité. Celle-ci se fonde, d’une part, sur la modélisation physique décrite ci-dessus concernant l’endommagement interne (formation de dépôts) et, d’autre part, sur des corrélations empiriques pour l’endommagement externe (cake externe de filtration). Ces modèles ont ainsi été récemment intégrés dans un outil de simulation de transport réactiff [3], utilisé entre autres pour modéliser l’injection de CO2 dans le sous-sol lors d’opérations de séquestration.
Ce travail illustre une nouvelle fois la capacité d’IFPEN à mettre ses expérimentations, ses modèles et ses compétences multidisciplinaires au service de domaines à fort enjeu pour la transition écologique[4].
a- Expérience d’injection de fluide dans une carotte de roche.
b- 1 Darcy = 0,97.10-12 m2.
c- Associée à la mesure de la perte de charge, cette information permet de caractériser le cake externe (en perméabilité, kc, et en densité, ρc) et le rapport de qualité de l’eau, Ω (Ω = Cparticules/ kc.ρc) avec C la concentration.
d- Puce en verre dans laquelle est gravé un réseau poreux 2D.
e- Nombre comparant les forces convectives aux forces diffusives (Pe = v.Lc/D, avec v la vitesse du fluide, Lc la dimension caractéristique du système et D le coefficient de diffusion des particules.
f- Simulateur CooresFlow™.
Références :
[1] D. Rousseau, L. Hadi et L. Nabzar, SPE Production & Operation, novembre 2008, 525-532.
[2] S. Buret, L. Nabzar et A. Jada, SPE Journal, 15(2), juin 2010, 557-568. SPE-122060-PA. https://doi.org/10.2118/122060-PA.
[3] Petrobras-IFPEN R&D collaborative project on Reactive transport simulation – CooresFlow™ Phase 2, 2020-2021.
[4] Collaboration avec Geofluid : « Problématique de l’injection en milieu poreux non consolidés. Processus d’endommagements et remédiations. Mesures sur sites (l’Albien) et essais en laboratoire », projet Ademe sur la géothermie, 2020-2022.
Contacts scientifiques : jalila.boujlel@ifpen.fr et lahcen.nabzar@ifpen.fr
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