06.07.2022
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Déployer le CCUS : une question de coûts et de planification des infrastructures | Paula Coussy
Pour ce deuxième épisode, le Carnot IFPEN Ressources Energétiques aborde plus concrètement la mise en œuvre du CCUS avec Paula Coussy, chef de projet Externalités Carbone à IFPEN : du captage au stockage ou utilisation du CO2, quels scénarios de déploiement pour le CCUS à grande échelle ? Si la question des coûts est déterminante, le choix d’investir dépend aussi pour les industriels de la planification coordonnée des réseaux de transport et de stockage.
À RETENIR DE CE PODCAST
CCUS : déployer les infrastructures en même temps, au bon endroit
Du captage au stockage ou utilisation du CO2, en passant par le transport dans des infrastructures dédiées, le CCUS désigne un groupe de technologies réparties sur l’ensemble d’une chaîne technologique : ses différentes infrastructures doivent donc être déployées de manière coordonnée dans le temps et sur un territoire volontaire.
Comment y parvenir ?
- S’assurer de la disponibilité simultanée des infrastructures en préparant dès maintenant l’ensemble des maillons de la chaîne pour que le CO2 puisse être stocké ou utilisé après avoir été capté ;
- Identifier des hubs CO2 qui vont permettre d’anticiper les infrastructures de transport et de stockage sur un territoire.
Qu’est-ce qu’un hub CO2 ?
Un réseau ou hub CO2 rassemble différentes sources d’émissions de CO2 et/ou différents sites de stockage au moyen d’un réseau de transport commun, dans un objectif de mutualisation des coûts et de réduction des risques.
Comment construire un scénario CCUS ?
La planification des infrastructures s’appuie sur des scénarios CCUS, élaborés sur la base de différents facteurs :
- Des facteurs techniques :
- Les volumes de CO2 impliqués
- Les zones géographiques concernées par le captage, le transport, l’utilisation et/ou le stockage
- Les usages possibles du CO2 à proximité des lieux de capture, de manière immédiate ou à l’avenir
- Les lieux de stockage possibles du CO2 capté
- Des facteurs environnementaux : les méthodologies d’analyse de cycle de vie (ACV) permettent d’évaluer non seulement les émissions de CO2 évitées de toute la chaîne CCUS, mais aussi de quantifier les impacts sur la ressource en eau et les besoins en matériaux.
> En savoir plus sur les solutions IFPEN en matière d’ACV
• Et des facteurs économiques et sociaux relatifs notamment à la création d’emplois et à l’appropriation sociétale du projet dans la/les région(s) concernée(s).
CCUS : qu’est-on en mesure de projeter pour l’Europe et la France aujourd’hui ?
Le projet européen Strategy CCUS, mené de 2019 à 2022 par le BRGM, IFPEN et 16 autres partenaires européens, a permis d’étudier le développement des technologies de captage, de stockage et de valorisation du CO2 (CCUS) dans 8 régions du Sud et de l’Est de l’Europe afin de réduire les émissions des secteurs de l’industrie et de la production d’énergie. Parmi les régions concernées, dont deux se trouvent en France – dans la vallée du Rhône et le bassin de Paris – les disponibilités de stockage ont besoin d’être étudiées plus en détail car elles sont très structurantes en termes de déploiement du CCUS.
Démarré en mai 2021, le projet PilotStrategy a pris la relève et vise à caractériser en détail des aquifères salins profonds pour s’assurer de la disponibilité de sites permettant de stocker le CO2 qui devrait être capté sur certaines régions identifiées dans StrategyCCUS.
Le financement du CCUS en question
Qu’est-ce qui motive les industriels à investir dans le CCUS ?
En résumé, leur décision repose sur un arbitrage entre deux dépenses :
• Le coût de l’investissement de la chaîne CCUS à l’origine des émissions de CO2 évitées ;
• Le prix de la pénalité carbone, déterminé sur le marché européen de quotas carbone (European Union Emission Trading System - EU ETS).
Les quotas carbones européens en quelques mots
Les États membres imposent un plafond sur les émissions des installations recensées dans les différents secteurs (électricité, des réseaux de chaleur, de l’acier, du ciment, du raffinage, du verre, du papier, etc.) puis leur allouent les quotas correspondants à ce plafond. À la fin de chaque année, les installations sont tenues de restituer un nombre de quotas équivalent à leurs émissions réelles. Les entreprises assujetties ont par ailleurs la possibilité d’échanger des quotas sur le marché européen des quotas d’émission :
- une installation qui émet plus que son allocation doit se procurer les quotas manquants : c’est le principe pollueur-payeur ;
- une installation qui émet moins que son allocation peut revendre ses quotas non utilisés et bénéficier ainsi de revenus, qui sont mobilisables par exemple pour financer des investissements leur permettant de maîtriser leurs émissions.
Source : ADEME
Afin de pouvoir procéder à cet arbitrage, les industriels doivent d’abord quantifier, précisément et officiellement, leurs émissions évitées. C’est pourquoi l’application au CCUS d’une méthodologie commune de comptabilisation, qui permet de mesurer, déclarer et justifier les émissions de CO2 réellement évitées, est une priorité. Cette méthodologie est appelée MRV pour Monitoring, Reporting and Validation.
En l’état actuel des estimations, le prix du quota de carbone* émis est nettement inférieur aux dépenses qu’il faudrait engager pour déployer la chaîne CCUS. D’autres financements publics et privés sont à l’étude pour rendre au moins équivalent d’investir dans le CCUS plutôt de continuer à émettre du CO2.
D’un point de vue environnemental et sociétal le CCUS a des avantages indéniables, reste à trouver maintenant les outils financiers incitant les industriels à investir.
Nos expertises > Captage, stockage et utilisation du CO2