24.10.2022

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Ep#4 – Capter le CO2 de l’industrie : vers plus d’efficacité énergétique | Vania Santos Moreau et Stéphane Bertholin (IFPEN)

Après le stockage du CO2, place au captage ! L’enjeu est de taille puisque ce sont ce sont 5, voire 7 milliards de tonnes de CO2 qui devront être captées par an en 2050 pour atteindre la neutralité carbone. Où en sont les différentes technologies de captage aujourd’hui ? Panorama avec les deux invités de ce 4ème épisode, Vania Santos-Moreau, cheffe du projet 3D, et Stéphane Bertholin, chef du projet Cheers, des projets de démonstration de technologies de captage de CO2 plus efficaces et moins coûteuses. 

A retenir de ce podcast :

D’où vient le CO2, et de quoi doit-on le séparer ?

La question est fondamentale pour comprendre ensuite comment procéder au captage, c’est-à-dire à la séparation du CO2

La combustion résulte de la réaction d’une matière carbonée, par exemple du méthane (CH4) avec l’oxygène de l’air (O2, constitutif de 20% de l’air). Les atomes de carbone se combinent à l’O2 de l’air pour former du gaz carbonique (CO2) et les atomes d’hydrogène se combinent à l’O2 de l’air pour former de l’eau, sous forme de vapeur.

Outre le CO2, les autres constituants des fumées sont :
•    la vapeur d’eau qui s’est formée pendant la combustion
•    l’azote (N2) de l’air, qui ne réagit pas pendant la combustion. Il représente 80% de l’air excédentaire ;
•    des impuretés : oxydes de soufre, oxydes d’azote, oxygène, particules de suie

Comment capter le CO2 des usines ? 

Les technologies de captage de première génération peuvent capter le CO2 émis par une installation industrielle et continuent d’évoluer pour gagner en efficacité. Des procédés de captage de seconde génération en post- et en oxy-combustion sont actuellement à l’essai. Chacune d’entre elles a ses caractéristiques, ses applications privilégiées, ses avantages et ses inconvénients. 
 


Le captage en post-combustion : l’exemple du solvant DMX™

La technologie de captage dite en post-combustion, permet de séparer le CO2 d’un gaz ou d’une fumée industrielle

Comment ? 
Grâce à un solvant liquide qui absorbe le CO2 ce dernier passe de la phase gazeuse à la phase liquide. Puis, sous l’action de la température, le CO2 est libéré de la phase liquide, et séparé. 

Pour quel résultat ? 
Le CO2 capté est très pur. Il est ensuite conditionné et transporté par pipeline ou bateau vers un site de stockage. Il peut aussi être réutilisé pour fabriquer des produits énergétiques, des produits chimiques ou être utilisé, comme une ressource, par exemple dans l’industrie alimentaire ou des matériaux de construction. 

Où cette technologie peut-elle être utilisée ?
Le procédé en post-combustion vise à capter le CO2 en sortie d’usines existantes, afin d’éviter que  le CO2 soit relâché dans l’atmosphère et ainsi réduire l’empreinte environnementale des procédés industriels. 

Focus sur le solvant DMX™
Fruit de 15 ans de recherche à IFPEN, le solvant DMX™ est aujourd’hui testé sur l’usine sidérurgique d’Arcelor Mittal à Dunkerque dans le cadre du projet 3D. DMX™ offre une solution très compétitive en terme de consommation énergétique, à l’heure où l’industrie a besoin de technologies plus performantes pour réduire les coûts du captage. 

Et demain ?
Au-delà, l’ambition est d’adapter le procédé DMX™ à d’autres secteurs : raffinage, unités de traitement de déchets, cimentiers, etc., industries qui émettent des fumées de compositions différentes, avec des volumes de CO2 différents. Par exemple un site sidérurgique peut produire 11 Mton de CO2/an contre en moyenne 1Mton/an pour une cimenterie. 

Le projet « 3D » en quelques mots
Projet européen financé dans le cadre du programme Horizon 2020
Objectif : opérer la démonstration d’un procédé innovant de captage de CO2 d’origine industrielle, DMX™
0,5 tonne de CO2 capté par heure, soit plus de 4 000 tonnes par an


Le captage en oxy-combustion : le cas de la combustion en boucle chimique

La technologie de captage dite en oxy-combustion repose sur la réalisation d’une combustion à l’oxygène et non à l’air, c’est-à-dire sans les énormes quantités d’azote qui diluent habituellement le CO2.

Comment ? 
Mis en circulation dans les réacteurs, un oxyde métallique apporte l’oxygène, et uniquement l’oxygène, là où la combustion s’opère pour produire de la chaleur, exactement comme le font les globules rouges avec le corps humain : l’oxyde prélève d’abord l’oxygène de l’air dans un réacteur, comme nos globules collectent l’oxygène dans nos poumons, puis circule dans un autre réacteur pour libérer l’oxygène, comme le fond les globules rouges aux organes qui en ont besoin. L’apport très concentré en oxygène pour la combustion permet de générer des fumées composées uniquement de CO2 et de vapeur d’eau.

Pour quel résultat ? 
La condensation de l’eau permet d’obtenir du CO2 concentré à bas coût, transportable puis utilisable ou stockable durablement. 

Quand peut-elle être utilisée ?
Ce procédé préfigure une nouvelle génération de centrales thermiques, directement adaptées au captage du CO2, qui permettront de produire de l’électricité, de la vapeur ou d’alimenter des réseaux de chauffage urbain à partir de combustibles conventionnels, mais sans émission de gaz à effet de serre. En effet, la technologie d’oxy-combustion permet de produire par elle-même, c’est-à-dire sans étapes additionnelles de captage, des fumées très concentrées en CO2.

Focus sur le procédé de combustion en boucle chimique
Le procédé de combustion en boucle chimique (CLC) est une technologie d’oxy-combustion co-développée par IFPEN avec TotalEnergies. Son potentiel pour l’industrie est actuellement en démonstration dans le cadre du projet Cheers, qui vise la construction de la plus grande unité de démonstration au monde. 

Le projet Cheers en quelques mots
Projet sino-européen financé par le programme européen Horizon 2020 et le Ministère chinois de la science et la technologie 
Objectif : valider les performances du procédé de combustion en boucle chimique et préparer sa mise en œuvre sur les centrales électriques et les centrales biomasse
13 années de recherches conduites par IFPEN et TotalEnergies depuis l’échelle laboratoire jusqu’au pilote
Une unité pilote de 10 KW au sein des laboratoires d’IFPEN  et un démonstrateur d’une capacité de 4MW en construction en Chine

Et demain ?
L’utilisation de la biomasse comme combustible dans le procédé CLC pourrait contribuer à aller plus loin vers la neutralité carbone. Pourquoi ? Parce que le CO2 contenu dans le végétal qui sert de combustible a été assimilé à l’origine par la plante pour la photosynthèse. Capter ce CO2 et le stocker revient à retirer du CO2 de l’atmosphère. On parle alors d’« émissions négatives ». 

Le CLC pourra également être utilisé sur des centrales fonctionnant avec des combustibles de récupération issus du tri de nos déchets domestiques, comme les emballages en carton ou des plastiques qui ne peuvent pas être recyclés. Une façon de valoriser de la biomasse et des déchets avec un impact positif sur l’environnement.