22.09.2022
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Transport et stockage du CO2 : pour des moyens à la hauteur des objectifs de décarbonation | Audrey Estublier et Kateryna Voronetska
Si l’on veut atteindre la neutralité carbone, ce sont 5 milliards de tonnes de CO2 qu’il faudrait stocker par an en 2050 d'après l'Agence internationale de l'énergie (IEA). Avons-nous les moyens de nos ambitions en matière de stockage ? En Europe, les capacités sont là, assurent dans ce 3e épisode Audrey Estublier, cheffe du projet stockage du CO2 et Kateryna Voronetska, cheffe du projet Compression, Transport, Puits, deux expertes du domaine chez IFPEN. Reste à préparer les sites de stockage et assurer leur sécurité pour les centaines d’année à venir.
A retenir de ce podcast
Peut-on stocker le CO2 ? Et surtout, dans quelles quantités ?
L’Agence internationale de l’énergie estime, dans le scénario Net Zero Emission by 2050 (NZE) rendu public en 2021, qu'il faudra pouvoir stocker 5000 millions de tonnes de CO2 (soit 5 milliards de tonnes) par an en 2050 pour atteindre la neutralité carbone, contre 40 millions de tonnes aujourd'hui.
Les capacités de stockage existent bel et bien. Les premières estimations dépassent, en théorie, plus de 500 milliards de tonnes en Europe, soit l’équivalent de 100 ans d’émissions mondiales en 2019 réparties sur des sites offshore et onshore.
Le CO2 est stocké dans deux types de réservoirs :
• les réservoirs dits « déplétés », autrement dit généralement des anciens gisements d’hydrocarbures exploités et aujourd’hui épuisés. Après plus d'un siècle d'une exploitation intensive, ce sont des milliers de gisements de pétrole et de gaz naturel qui arrivent ou sont déjà en fin de production. Ils constituent pour certains d’entre eux autant d’espaces pour stocker le CO2, qui d’ailleurs provient originellement de ces mêmes réservoirs ;
• les aquifères salins profonds qui sont des roches poreuses et perméables contenant de la saumure, c’est-à-dire une eau salée non potable dans laquelle on peut injecter et dissoudre le CO2. Situés à de grandes profondeurs, ces formations géologiques représenteraient le plus gros potentiel en matière de capacité de stockage.
>> Le CCUS de A à Z / Aquifères salins profonds (Club CO2)
Depuis 1996, dans le cadre du projet européen Sleipner, Equinor injecte 1 million de tonnes de CO2/an dans un aquifère salin profond, dans le sous-sol au large de la Norvège.
Comment transporter le CO2 ?
Le CO2 se transporte au même titre que le gaz naturel et ne pose pas de difficulté technique particulière. Le transport peut se faire par camion, par train ou encore par gazoduc ou par bateau quand les quantités acheminées sont plus importantes.
Deux points de vigilance sont néanmoins à maintenir sur :
• le phénomène dit de corrosion des matériaux utilisés tout le long de la chaîne CCUS, et lors du stockage en particulier. En effet, les matériaux métalliques interagissent avec le CO2 sous sa forme liquide et/ou gazeuse, ce qui, avec le temps, fragilisent ales infrastructures ;
• le degré d’impureté du CO2 qui conditionne la compression du gaz avant son transport, et donc son coût.
Stockage du CO2 : au-delà des capacités, une question de moyens
Si les capacités de stockage posent questions aujourd’hui, ce n’est donc pas parce qu’elles sont insuffisantes, mais parce que, à ce jour, le développement de projets opérationnels est trop lent pour répondre à la demande de stockage à court terme.
Or, il est indispensable de préparer les sites de stockage dès aujourd’hui pour qu’ils soient disponibles d’ici 5 à 10 ans au plus tard.
Comment y remédier ?
• affiner les capacités de stockage pour identifier rapidement les sites les plus adaptés ;
• démontrer la sécurité de ces sites de stockage aussi bien lors de l’injection du CO2 que sur la durée du stockage (de très long terme, elle concerne des centaines d’années) ;
• travailler de concert avec la société civile en l’associant à la démarche et aux projets de transport et stockage du CO2 aujourd’hui indispensables à la neutralité carbone.
Stocker sous la mer : le choix de la Norvège
Dans les années 1990, l’État norvégien a fait le choix d’un stockage dans des réservoirs situés sous la couche océanique.
Stocker le CO2 en toute sécurité : l’intégrité des puits en question
Les roches des anciens gisements ont fait preuve de leur capacité à stocker des gaz pendant des millions d’année avant que les pétroliers ne les exploitent. Même s’il faut bien entendu s’assurer que l’exploitation de ces gisements par l’homme n’a pas remis en question cette étanchéité, l’enjeu réside dans les puits qui ont été construits par l’homme.
Sont-ils réutilisables pour injecter du CO2 dans le sous-sol ? Leur intégrité reste-t-elle acquise pour un stockage du CO2 sur plusieurs centaines d’années ?
L’« intégrité » des puits, qu’est-ce que c’est ?
La mise en production d'un gisement d'hydrocarbures exige le forage d'un certain nombre de puits. Le forage consiste à percer la croûte terrestre pour atteindre les gisements, les puits forés pouvant atteindre en général 2000 à 4000 mètres de profondeur. L'intégrité d’un puits désigne sa capacité à empêcher les éventuelles fuites ou remontées de CO2. De sa conception à son abandon, ce sont toutes les étapes de la vie d'un puits qui conditionnent son intégrité ou étanchéité.
Dans le cadre du projet collaboratif international REX CO2, IFPEN a travaillé au développement d’un outil d’évaluation des puits pétroliers pour leur réutilisation dans le cadre de projets de stockage de CO2.
Faire le point avec un quiz
IFPEN : Décryptage > Captage, stockage et valorisation du CO2