10.02.2021

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Dans un contexte de crise sanitaire et économique sans précédent, la demande gazière mondiale connaît une baisse importante en 2020. Cependant, le gaz naturel est moins affecté que les autres énergies fossiles grâce à une offre compétitive, à la résilience de l’industrie du GNL et aux qualités environnementales de cette énergie qui ont favorisé sa substitution au fioul et au charbon. Pour poursuivre son expansion mondiale, l’industrie gazière s’engage sur la voie de la décarbonation à tous les stades de la chaîne de valeur.  

Demande mondiale de gaz naturel en 2020 et impact de la pandémie de la Covid-19 

Dans un contexte exceptionnel de crise économique et sanitaire, la transition énergétique vers des formes d’énergies plus propres a continué à impacter les marchés de l’énergie en 2020. La demande de gaz naturel a été en 2020 le résultat de deux effets opposés : l’un favorable au gaz du fait que depuis quelques années, la transition énergétique en cours se traduit non seulement par une croissance exponentielle des énergies renouvelables mais également le remplacement du charbon par le gaz naturel sur des marchés fortement consommateurs (États-Unis, Chine, Europe), l’autre défavorable, , la pandémie de la Covid-19 ayant entraîné dans son sillage un recul important de la demande de toutes les énergies fossiles.

Déjà affaiblie au premier trimestre par un hiver exceptionnellement doux dans l’hémisphère nord et par un ralentissement de l’activité industrielle en Chine dû à la pandémie de la Covid-19, la demande gazière mondiale a subi au second trimestre l’impact dévastateur de cette pandémie et des mesures de confinement qui en ont résulté, avec en particulier un recul particulièrement marqué de la consommation en Europe. Puis une reprise de la demande a été observée au troisième trimestre lorsque des mesures de confinement ont été levées. De plus, la faiblesse des prix du gaz a favorisé la substitution du fioul et du charbon par le gaz (États-Unis, Europe, Inde). Les prévisions économiques du FMI ont été révisées à la hausse en cours d’année aussi bien pour les marchés industrialisés qu’émergents (Chine, Inde), les plus récentes (octobre) faisant état d’une récession mondiale de 4,4 %. Mais au quatrième trimestre, l’industrie gazière est de nouveau affectée par un regain de la pandémie sur les marchés matures (États-Unis, Europe, Russie, Japon). En revanche, la reprise de l’activité industrielle se confirme en Chine et en Inde. Sur l’année 2020, la demande gazière mondiale devrait au final connaître sa plus forte baisse depuis dix ans, estimée entre 2,5 % et 3 %.

Cependant, le gaz naturel a été l’énergie fossile la moins touchée par la crise sanitaire et économique et ce pour des raisons intrinsèques à cette énergie qui sont à la fois d’ordre économique (offre abondante et bon marché, essor du GNL), politiques et environnementales (Chine, Europe). L’offre de GNL a ainsi continué à s’accroître apportant une flexibilité d’approvisionnement nécessaire sur un marché en proie à des bouleversements majeurs et des évènements imprévisibles en cours d’année.

L’année 2020 se caractérise donc par des tendances contrastées selon les zones de consommation et selon les trimestres. La plus forte baisse annuelle de la consommation est attendue en Europe (- 4,5 %). À l’inverse, la Chine a vu sa consommation augmenter de plus de 7 % en raison d’un début d’hiver 2020-21 très rigoureux et de la politique environnementale de basculement du charbon vers le gaz dans les secteurs industriels et résidentiels.

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Figure 1 : Évolution de la consommation gazière par région (Gm3)
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Figure 2 : Évolution de la consommation gazière en Europe (Gm3)

Un marché en cours de rééquilibrage

Au premier trimestre, l’offre de GNL a bondi de 12 % sous l’impulsion des exportations américaines, ce qui a conduit, en conjonction avec une forte baisse de la demande dans la zone OCDE (- 3,5 %), à accroître les excédents sur le marché mondial.  Dans ce contexte, l’Europe a joué son rôle de marché de dernier recours, absorbant l’essentiel du surplus global grâce à la présence d’une infrastructure gazière dense, des places de marché (Hubs) liquides et l’existence d’outils de trading et de flexibilité. Les prix de marché du gaz ont alors fortement baissé et ont continué à baisser au second trimestre où ils sont tombés à des niveaux planchers historiques. On a observé entre avril et juillet une forte convergence entre le prix Henry Hub, le TTF et le prix spot de l’Asie du Nord-Est. Le 21 mai, le prix spot européen TTF a atteint un minimum historique d’un peu moins de 1 $/MBtu, valeur même inférieure au prix Henry Hub américain le même jour (1,8 $/MBtu).

Dans le même temps, l’offre de GNL a commencé à s’ajuster à la baisse car les exportations de GNL n’étaient plus rentables à cause de l’effondrement des prix. Cette baisse de l’offre de GNL au second trimestre marque un point de rupture après une croissance constante depuis 2015. Il s’agit de la plus forte baisse trimestrielle (par rapport à l’année antérieure) de la décennie.

Le modèle commercial américain (dit de « Tolling »), qui porte actuellement sur des projets à faibles Capex et alimentés par une offre en amont flexible et bon marché (gaz de schiste), permet à l’acheteur d’annuler des livraisons sans payer les coûts variables. Entre mars et juillet, la production américaine de GNL s’est effondrée de 60 %. Par ailleurs, d’autres grands fournisseurs de GNL ont enregistré une réduction de leurs exportations de GNL à partir du second trimestre, tels que l’Australie et la Russie.

Autre illustration de la forte flexibilité de l’offre de gaz en 2020, les exportations de gaz russe vers l’Europe par gazoducs ont chuté lourdement en 2020. Les estimations provisoires font état d’une baisse des ventes par gazoducs vers l’Europe de 6 % en 2020 par rapport à l’année 2019, conduisant à une baisse de la part de marché de Gazprom de 36 % à 34 % dans l’UE (28 % sur janvier-juin). Au premier semestre, le GNL a fait concurrence aux importations par gazoducs, devenant plus compétitif sur un marché mondial en croissance où l’offre est plus diversifiée et plus flexible.

Face à la concurrence croissante des exportations de GNL de l’entreprise russe Novatek, opérateur de l’usine existante de Yamal et du projet Arctic LNG 2, Gazprom a demandé à Moscou de restreindre les exportations de GNL russe vers l’Europe.

Sur un marché fortement excédentaire, la liquidité sur les places de marché en Europe a de nouveau progressé en 2020 alors que les prix du gaz sont devenus extrêmement volatils. C’est pourquoi les instruments de couverture et les stockages ont joué un rôle de premier plan. À l’approche de l’hiver 2020-21, on notait un taux de remplissage record dans les stockages sur les principaux marchés consommateurs (Europe, États-Unis, Canada, Chine). Les volumes « tradés » au Hub TTF ont continué à grimper et ont même dépassé le Henry Hub (USA) en termes de contrats d’option d’achats. Ces développements récents font de l’Europe un marché gazier central et de rééquilibrage où le prix TTF pourrait émerger à terme comme un indice de référence mondial.

Au second semestre, les prix de marché du gaz se sont redressés de manière spectaculaire traduisant une très grande réactivité par rapport aux variations inattendues et de forte amplitude de l’offre et de la demande dans un contexte de crise et d’incertitudes. À partir de l’été, le différentiel entre les prix spot américains, européens et asiatiques s’est de nouveau creusé, ouvrant une fenêtre d’arbitrage favorable à l’Asie, où le rebond de la demande chinoise a fait grimper les prix. Le prix spot asiatique a atteint en fin d’année 12 $/MBtu, un niveau record depuis 2014. Les exportations américaines redevenues profitables sont alors reparties en forte hausse. En décembre, le différentiel de prix USA/Asie atteignait son plus haut niveau (7 $/MBtu) depuis deux ans.

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Figure 3 : Exportations de GNL des États-Unis et différentiels de prix spot du gaz

Ainsi, l’industrie du GNL a su montrer une grande adaptabilité et une résilience face à la crise de la Covid-19 connaît une baisse importante en 2020, la demande de GNL est estimée en hausse de  2 %. En raison d’une offre abondante et compétitive, la part de marché du GNL dans l’offre mondiale de gaz ne cesse de croître. Elle atteint aujourd’hui 13 %. En 2020, le GNL acheté au prix de marché a été l’option d’approvisionnement la plus compétitive excepté au dernier trimestre, où les prix de marché se sont envolés. Au troisième trimestre, les prix des contrats de long terme indexés sur le prix du pétrole ont commencé à baisser pour s’établir à environ 6 $/MBtu. Cette baisse traduit l’impact de l'effondrement du prix du pétrole en mars et avril puisque la période de référence de fixation des prix dure au moins trois mois. La déconnexion entre les prix de marché et les prix indexés au pétrole, déjà visible en 2019, s’est accentuée en 2020, remettant de plus en plus en question la pertinence de l’indexation des prix du gaz au prix du pétrole qui reste cependant très forte en Asie. Elle a en outre favorisé les opérations commerciales d’optimisation et les achats d’opportunité, favorisant les échanges spot de GNL. Une forte corrélation entre les prix spot européens, asiatiques et le prix américain du Henry Hub a été observée en 2020, illustrant le rôle majeur du GNL comme vecteur de mondialisation du marché du gaz et de convergence des prix. La montée en puissance du GNL en provenance des États-Unis, dont la destination géographique est libre, et la montée en régime des exportations du projet russe Yamal vers l’Asie via la voie Nord ont contribué à la globalisation du marché gazier.

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Figure 4 : Prix internationaux du gaz ($/MBtu)

 

Enjeux et perspectives gazières

La crise économique et sanitaire a plus que jamais renforcé le degré d’incertitudes de la demande gazière à moyen et long termes. Celle-ci dépend du contexte économique et de la rapidité de la transition énergétique et des progrès technologiques. Les énergies renouvelables sont devenues compétitives et font concurrence au gaz lorsqu’elles se développent à grande échelle. Même si la crise sanitaire a créé plus de risques d’approvisionnement et de retards dans la construction des projets d’énergies renouvelables, les perspectives de croissance forte des énergies renouvelables à moyen et long termes restent inchangées. Les technologies solaires et éoliennes sont déjà compétitives dans les pays du G20 et on peut s’attendre à ce que le LCOE du photovoltaïque solaire en particulier poursuive sa tendance à la baisse. Dans son dernier rapport du WEO2020, l’AIE souligne que le solaire va devenir le principal moteur de la croissance de la production d’électricité, suivi de l’éolien terrestre et en mer.

De nombreux scénarios dressent des perspectives de demande gazière contrastées. Dans son dernier WEO (édition 2020), l’Agence y inclut pour la première fois deux nouveaux scénarios dont un visant une réduction des émissions compatible avec la neutralité carbone en 2050 – le   "zéro émission nette" d'ici 2050 (dit NZE2050). 

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Figure 5 : Perspectives de la demande gazière mondiale (Mtep)

Les années récentes ont mis en évidence le rôle fondamental du commerce gazier sur longue distance (entre continents) et en particulier du GNL pour répondre aux besoins d’approvisionnement croissants de l’Europe et de l’Asie. Compte tenu d’une décroissance forte de la production européenne, les importations gazières, aussi bien sous forme de GNL que par gazoduc sont amenées à augmenter fortement d’ici 2025-2030. L’Europe restera un marché de dernier recours pour le GNL, mais devrait voir rapidement le gaz russe (via gazoducs) regagner du terrain puisque le GNL se redirige vers l’Asie. Cela est cependant conditionné soit à la mise en service du gazoduc Nord Stream 2 soit à des renégociations entre la Russie, et l’Ukraine pour augmenter les volumes transités vers l’Europe. Or, le projet Nord Stream 2, visant à doubler les exportations de gaz russe vers l’Allemagne, est bloqué en raison des sanctions américaines et polonaises. À plus long terme, le commerce inter-régional devrait poursuivre une forte croissance pour répondre aux besoins des marchés émergents d’Asie, la Chine et l’Inde en tête. Les enjeux de sécurité et de diversification de l’approvisionnement gazier sont donc majeurs et cela entraîne des tensions géopolitiques croissantes aussi bien sur les routes d’approvisionnement actuelles et potentielles du GNL (détroit d’Ormuz, Moyen-Orient) que les voies d’exportations par gazoducs (Europe-Russie, Méditerranée orientale). D’après Cedigaz, le commerce inter-régional de gaz naturel connaîtra une expansion soutenue de 2,7 %/an d’ici 2040, alors que la demande gazière augmentera de 1,2 %/an. La part du GNL dans les échanges passera alors de 47% en 2019 à 54 % en 2025 et 60 % en 2040.

La pandémie de la Covid-19 a entraîné des retards dans la construction des projets GNL et des décisions de financement, malgré un besoin d’investissement toujours important dans de nouvelles capacités d’exportations de GNL pour  répondre à la demande après 2025 (figure 6). En 2020, une seule décision finale d’investissement a été prise pour un projet de liquéfaction : le projet d’Energia Costa Azul de Sempra en Basse Californie au Mexique. La compagnie Total a pris une participation dans ce projet, aux côtés de Sempra et IEnova.  Dans le contexte économique actuel, ce projet est avantagé car relativement peu coûteux. Il s’appuie en effet sur des infrastructures gazières existantes, représente une petite capacité (3,25 Mtpa) et est alimenté par du gaz associé du bassin Permien des États-Unis.

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Figure 6 : Perspective de demande de GNL vs. capacité d’offre disponible (Gm3)

À l’avenir, la croissance du GNL repose en grande partie sur une maîtrise des coûts à tous les stades de la chaîne de valeur, l’efficacité des mesures de décarbonation et l’essor des nouvelles filières (Small-Scale, LNG-to-Power, GNV).
 

La décarbonation du gaz en voie d’accélération

Alors que la pandémie de la Covid-19 et ses effets dominent l'actualité en 2020, un développement majeur est observé en parallèle : l'accélération des réponses politiques au changement climatique. Le plus important a été l’annonce par la Chine en septembre de son intention d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2060. Le Japon et la France ont aussi annoncé leur stratégie nationale de neutralité carbone à l’horizon 2050. De nombreuses Majors, telles que BP, Shell, Total, ENI et Repsol se sont aussi engagées en 2020 vers la neutralité carbone à l’horizon 2050.

La transition énergétique et écologique est devenue une priorité dans l’agenda politique post-pandémie. L’Union européenne a confirmé sa volonté de mettre le Pacte vert au cœur du plan de relance du continent. Le gaz renouvelable fait partie des ingrédients incontournables de la transition énergétique visant une neutralité carbone. Parmi les  solutions énergétiques d’avenir, l’hydrogène, le biométhane et le bioGNV préparent ce que l’on peut considérer aujourd’hui comme la troisième révolution du gaz. Le réseau gazier européen est dense, éprouvé et possède d’importantes capacités de stockage, les plus importantes étant situées en Allemagne, ce qui constitue un atout majeur pour accompagner cette révolution. De plus, le réseau gazier européen présente de nombreuses conduites parallèles ce qui peut permettre de séparer le transport de biométhane du transport dédié à l’hydrogène, comme le prévoient les gestionnaires de réseau européens.

Hydrogène

Les gouvernements du monde entier misent de plus en plus sur l’hydrogène pour accélérer la transition énergétique. La « course à l’hydrogène », qui s’appuie sur une collaboration public privé, s’est poursuivie en Europe en 2020. Plusieurs pays européens dont la France ont adopté et ont intégré l’hydrogène comme axe fort de leurs plans de relance économique post-pandémie. En juin 2020, l’Allemagne a dévoilé sa stratégie nationale pour l’hydrogène avec pour ambition de devenir le leader mondial du secteur. Cette stratégie mise uniquement sur l’essor de l’hydrogène vert produit à partir d’énergies renouvelables, l’Allemagne étant déjà le chef de file dans le développement de la technologie Power-to-Gas (Figure 7). Le 8 juillet 2020, la Commission européenne a présenté sa stratégie sur l’hydrogène en vue de la neutralité climatique de l’Europe.  Le réseau d’infrastructures gazières est d’entrée partie intégrante de la stratégie hydrogène grâce à la possibilité de convertir des conduites de gaz en un réseau de canalisations dédié à l’hydrogène sans devoir recourir à de nouveaux investissements. Par ailleurs, la production d’hydrogène à partir d’énergie renouvelable permettrait le couplage entre systèmes gaziers et électriques.  Une semaine après la publication par la Commission européenne de sa stratégie hydrogène, GRTgaz et dix autres gestionnaires d’infrastructures gazières, opérant dans neuf États membres, ont proposé leur vision du développement d’une « dorsale hydrogène » européenne. Pour 2040, un réseau d’hydrogène de 23 000 km est envisagé - la « dorsale hydrogène » européenne -. Ce réseau est constitué à 75 % de canalisations existantes de gaz naturel converties et complété par 25 % de nouvelles canalisations d’hydrogène. L’utilisation du réseau gazier existant est une option plus compétitive que la construction d’un réseau dédié à l’hydrogène. Il permet en outre d’éviter des coûts de démantèlement qui peuvent s’avérer élevés compte tenu de la décroissance de la demande en gaz fossile envisagée à terme. La possibilité pour un gazoduc de transporter de l’hydrogène pur dépend toutefois de la comptabilité des matériaux utilisés avec l’hydrogène, en particulier du type d’acier utilisé et des compresseurs. Il est par ailleurs possible de mélanger le gaz naturel avec de l’hydrogène dans les conduites existantes. L’augmentation du ratio H2/gaz naturel se heurte cependant à des défis techniques et économiques et dépend de la zone géographique considérée ainsi que des besoins de l’utilisateur final. Actuellement en France, ce ratio ne peut pas dépasser 20 % en volume (projet GRHYD-Dunkerque).

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Figure 7 : Capacité électrique totale des projets* Power-to-Gas en Allemagne (MW)


Biométhane

Alors que les organismes et les entreprises se dirigent vers la neutralité carbone, la filière du biogaz et du biométhane qui possède un potentiel de croissance grandissant est entrée dans une phase d’accélération de son développement. D’après la World Biogas Association (WBA), le potentiel en ressources du biogaz permettrait de couvrir 26 à 37 % de la consommation mondiale actuelle de gaz naturel après conversion en biométhane. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), le potentiel en biométhane produit de façon durable permettrait de couvrir 20 % de la consommation mondiale de gaz à l’horizon 2040.

Le biométhane est produit soit en valorisant le biogaz en méthane (90 % de la production actuelle de biométhane), soit via la gazéification de biomasse solide suivie de méthanation. La production mondiale de biométhane s'est élevée à environ 4 Gm3 en 2019 (Source : Cedigaz), ce qui représente 0,1 % de l'approvisionnement mondial en gaz. Elle est dédiée à tous les secteurs : production de chaleur et d’électricité, le transport et le bâtiment. Reflétant le pipeline de projets de biométhane, la croissance du biométhane est aujourd’hui principalement portée par l'Europe et l'Amérique du Nord, où les pouvoirs publics ont mis en place un cadre réglementaire favorable. En poursuivant les tendances récentes, la production de biométhane dans ces deux régions pourrait quadrupler pour atteindre 12 Gm3 d’ici 2025. Les coûts de production relativement élevés du biométhane (en moyenne 20 $/MBtu) restent un défi majeur à moyen terme, en particulier en Europe où le prix moyen du gaz s’établit à 3,2 $/MBtu en 2020. L’Asie-Pacifique dispose du plus gros potentiel de développement et les coûts de production du biométhane y sont plus faibles (10 $/MBtu en moyenne). La Chine vise une production de 10 Gm3 d'ici 2025 mais se heurte actuellement à des difficultés d’ordre technologique qui retardent les projets. L'Inde prévoit d'étendre l'utilisation du biométhane dans les transports, avec la construction de 5 000 usines de bio-GNC à petite échelle d'ici à 2025.

L'Europe représente plus de 70 % de la production mondiale de biométhane. Grâce aux aides financières et aux mécanismes de soutien public à la filière, on observe une dynamique d’accélération dans de nombreux pays de la région. D’après l’European Biogas Association (EBA) et Gas Infrastructure Europe (GIE), le nombre d’unités de production de biométhane a bondi de 51 % ces deux dernières années, passant de 483 en 2018 à 729 en 2020. Au total, 18 pays européens produisent du biométhane et c’est l’Allemagne qui dispose du plus grand nombre d’unités de production (232), suivie par la France (131) et le Royaume-Uni (80). La filière française du biométhane est devenue la plus dynamique d’Europe même si elle occupe une importance réduite dans la dernière Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). La nouvelle PPE a été publiée le 23 avril 2020. Sur la base des mécanismes de soutien accordés, les pouvoirs publics ont fixé une cible de référence de 6 TWh injectés et une fourchette de 14 à 22 TWh injectés en 2028, soit une incorporation de 7%. Ces objectifs pourraient être dépassés si l’industrie parvenait à réduire de manière significative ses coûts de production. Au 31 décembre 2019, on comptait 123 sites d’injection de biométhane sur le territoire français, soit une hausse de 62 % en un an. Mais la part du biométhane dans la consommation française de gaz reste toujours très marginale, estimée à 0,3 %. Le potentiel de croissance de la filière est donc considérable. Exploiter le potentiel de la filière biométhane permettrait de satisfaire 15 % des besoins gaziers européens à l’horizon 2040, d’après Cedigaz.

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Figure 8 : Évolution du nombre de sites d’injection du biométhane en France.

 

Décarbonation du GNL

Chaque tonne de GNL génère environ 2,8 tonnes de CO2  lorsque le gaz est finalement brûlé par le consommateur final. En 2019, on estime que l’industrie du GNL à elle seule a émis 150 Mt de CO2. En 2019, la réduction des émissions de GES de la chaîne GNL s’est inscrite avec force dans l’agenda des autorités du secteur de l'énergie, des producteurs et des investisseurs. Les acheteurs manifestent un intérêt grandissant pour le profil d'émissions du GNL qu'ils achètent et les vendeurs commencent à considérer l'empreinte des émissions comme une source d'avantage concurrentiel dans un contexte réglementaire de plus en plus contraignant  vis-à-vis des sources d’énergie émettrices de GES. En novembre 2020, Engie a confirmé ne pas poursuivre les discussions commerciales avec NextDecade sur un projet de fourniture de GNL à partir du terminal américain de Rio Grande (Texas) dans un contexte de préoccupation de plus en plus forte suscitée par les fuites de méthane sur les installations gazières aux États-Unis (gaz de schiste), et leur impact sur le réchauffement climatique. En avril 2020, l'appel d'offres de 2 mtpa de cinq ans lancé par Pavilion a été le premier à inclure l'idée que les émissions pourraient être un facteur dans l'attribution d'un contrat de fourniture.  Les premières cargaisons « neutres en carbone » ont été vendues par Shell à GS Energy et Tokyo Gas  en 2019, puis à CPC (Taiwan) en 2020. Total a également livré fin septembre 2020 sa première cargaison de GNL neutre en carbone à la Chinese National Offshore Oil Corporation (CNOOC) depuis l’usine de liquéfaction d’Ichthys, en Australie. L'atteinte de la neutralité carbone dans ces cas repose sur la compensation des émissions par l'achat de certificats d'émissions ou l'investissement dans des projets durables 

La liquéfaction est intrinsèquement très énergivore du fait principalement de l’énergie utilisée par les compresseurs (cycle à compression-détente du fluide réfrigérant). Le gaz consommé est fonction du rendement thermique de l'installation de liquéfaction et représente typiquement environ 10 % du gaz d'alimentation. Il peut atteindre 7 % pour les nouvelles usines efficaces, mais reste considérablement plus élevé dans les vieilles usines. Le sujet des émissions des usines de liquéfaction fait l'objet d'une attention particulière. Siemens et Total, par exemple, annonçaient en juin qu'ils travaillaient ensemble sur de nouveaux concepts de production de GNL. Le CCUS fait partie des options envisagées pour décarboner le GNL durant le procédé de liquéfaction. La compagnie NextDecade a annoncé un projet de CCUS sur le site du terminal de RioGrande qui permettrait de faire baisser les émissions de CO2 de 90 %.

Le prix du CO2 en hausse

Depuis 2017, le prix du carbone en Europe est en hausse. Après une baisse temporaire en mars et en avril marquant l’impact de la pandémie de la Covid-19, le prix du CO2 a repris sa tendance haussière. Récemment, il a atteint un maximum historique à 35 €/tonne. Cette tendance reflète l’impact des réformes du mécanisme du marché européen du carbone qui ont été adoptées ces dernières années. La réforme du système d’échange de quotas d’émission (phase IV 2021- 2030) doit permettre de redresser le marché du carbone. Une réserve de stabilité du marché (RSM) a de plus été mise en place pour réduire l’excédent de quotas d’émissions sur le marché. Cette réforme continuera à avoir un impact considérable sur les échanges de quotas et le marché EU ETS dans les prochaines années. Le prix des quotas en Europe est déjà maintenant suffisant pour favoriser la production d’électricité à partir de gaz plutôt qu’à partir de charbon sur le parc de production installé. Ce basculement au détriment du charbon devrait se poursuivre, surtout dans les pays européens où la capacité des centrales au gaz est nettement sous-exploitée. C’est le cas de l’Allemagne, et dans une moindre mesure, de l’Italie, de l’Espagne et des Pays-Bas.

Par ailleurs, en janvier 2021, la Chine a annoncé l’ouverture officielle du marché chinois du carbone, le plus grand marché du carbone au monde. Restreint, dans un premier temps, au secteur électrique, il devrait s'ouvrir à d'autres activités par la suite. 

Le potentiel prometteur du GNV en remplacement des produits pétroliers

Les secteurs du transport terrestre et maritime s’imposent à moyen et long terme comme des opportunités majeures de croissance pour le gaz car l’atteinte de la neutralité carbone dans ce secteur passera par un usage plus important du GNV, que ce soit sous sa forme liquéfiée (GNL) ou compressée (GNC), bien que l’hydrogène soit amené à se développer fortement sur le créneau de la mobilité lourde (camions, trains). Le GNV repose sur une technologie mature et rentable et offre des avantages environnementaux. Ceci est particulièrement vrai pour les véhicules lourds comme le montre la part de marché croissante du GNV en Europe sur ce segment (6 % pour les bus et 2 % pour les camions). En 2019, le nombre de camions roulant au GNL a doublé et on en compte aujourd’hui plus de 10 000 en Europe. Sur le court terme, le GNV d’origine fossile continue à offrir de bonnes perspectives pour réduire de manière significative la pollution locale et les émissions de GES du transport terrestre et maritime en remplacement des produits pétroliers. Dans une perspective de neutralité carbone, il devra laisser une place croissante au bioGNV qui constitue une solution alternative de mobilité durable. L’introduction progressive du bioGNV pour décarboner le secteur des transports est un enjeu majeur pour l’Europe  où le secteur du transport représente un tiers des émissions totales de  CO2  et est la principale cause de pollution de l’air (NOx, particules fines, etc.) dans les zones urbaines. En mai 2020, la NGVA annonçait que plus d’un quart des stations GNV en Europe distribuaient (avec une part très variable selon les pays) du bioGNV, ce qui représente un taux moyen d’incorporation de 17 % de la consommation totale de GNV pour le transport terrestre ou l’équivalent de 23 TWh.  Dans des pays comme le Danemark, la Suède et les Pays-Bas, le GNV utilise presque exclusivement du biométhane (parts > 90 %). L'Allemagne, la Finlande et le Royaume-Uni sont bien au-dessus d'une part de biométhane de 50 %.

Selon les estimations des associations EBA et NGVA, 117 TWh de gaz renouvelables pourraient être distribués comme carburant sous forme de bioGNC et de bioGNL d’ici 2030 dans un scénario de transition énergétique visant la neutralité carbone. La consommation en bioGNV devrait alors représenter 40 % de la consommation globale de carburant de la flotte de GNV, estimée à plus de 13 millions de véhicules. Cette nécessité d’incorporer plus de bioGNV dans le GNV doit aller de pair avec l’accélération du déploiement des stations d’avitaillement en Europe ;  un appel déjà lancé en février 2020 par l’Association des constructeurs européens d’automobiles (ACEA). Ces stations se chiffrent actuellement à 4 120 en Europe (3 840 stations-service GNC et 280 GNL). Or, la NGVA et l’EBA estiment qu’il en faudrait 12 000 en 2030 pour exploiter le potentiel du GNV/bioGNV dans le cadre d’une vision de neutralité carbone. Bien qu’étant en retard par rapport à d’autres pays européens, la France est récemment devenue le marché le plus dynamique d’Europe sur le segment du GNV/bioGNV. Plus de 10 % des bus urbains et des bennes à ordures et 2,5 % des poids lourds roulent au GNV. Le taux d’incorporation du bioGNV est rapidement monté à 17 % du GNV distribué dans le pays.  L’atteinte d’un taux d’incorporation de 40 % nécessite un cadre renforcé de mesures incitatives.

armelle.lecarpentier@ifpen.fr
 

Manuscrit remis en février 2021