17.05.2021
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Le projet Rhapsodie, lauréat de l’appel à projets ADEME Cortea 2017, mené par IFPEN en collaboration avec INERIS s’est achevé en avril 2020. Il avait pour objectif d’évaluer les émissions gazeuses et particulaires règlementées ou non de véhicules particuliers de même modèle – 1 version diesel équipée d’une fonction SCR sur filtre et 1 essence équipée d’un filtre à particules satisfaisant toutes deux la norme Euro 6 d-TEMP, et 1 version essence sans filtre homologuée Euro 6b. Les évaluations se sont déroulées sur banc à rouleau IFPEN pour une distance cumulée d’environ 6 500 km. L’impact des différentes motorisations et des post-traitements des gaz d’échappement associés, des conditions de démarrage (ambiant/chaud) et des phases de régénération des filtres à particules a pu être quantifié. En revanche, aucun effet significatif du dispositif Stop & Start sur les émissions n’a été observé.
Le projet Rhapsodie en bref
Le projet Rhapsodie s’inscrit dans le cadre de l’appel à projets de recherche « COnnaissances, Réduction à la source et Traitement des Emissions dans l’Air » (CORTEA) dont l’objectif est de faire émerger des projets de recherche et développement orientés entre autres vers l’amélioration de la qualité de l’air extérieur, en lien avec les actions de l’ADEME dans les secteurs de l’énergie et des transports.
Rhapsodie a permis la quantification des émissions de polluants réglementés (PR) et non réglementés (PNR) de véhicules légers les plus représentatifs des ventes (Euro 6), et plus particulièrement la détermination de facteurs d’émissions pour les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) et leurs dérivés nitrés et oxygénés particulaires ou gazeux affectant le plus la santé et l’environnement, tels que ceux définis par l’Anses dans sa note méthodologique sur l’impact des infrastructures routières, et d’autres polluants dits « dangereux » parmi lesquels formaldéhyde, acétaldéhyde et ammoniac. La caractérisation des HAP et de leurs dérivés a été effectuée par l’INERIS.
Les essais menés à IFPEN ont aussi permis d’analyser de façon approfondie les émissions lors des régénérations actives du filtre à particules catalysé SCR de la motorisation diesel. Une mise en perspective tenant compte de la fréquence d’occurrence de tels évènements dans la vie du véhicule a également été proposée.
A noter : les émissions respectent les limités fixées
Dans plusieurs conditions de test, les émissions des véhicules essence et diesel évalués montrent le respect des limites fixées pour les polluants réglementés. C’est également le cas en considérant les régénérations du filtre à particules de la motorisation diesel (elles représentent 2 % de la durée totale de roulage). Les niveaux des émissions non réglementées, notamment ammoniac et hydrocarbures aromatiques polycycliques, sont fortement dépendants de la technologie du moteur et du système de post-traitement.
En complément
> En s’intéressant à un large panel d’espèces mesurées, cette étude complète celle réalisée par IFPEN pour le ministère de la Transition écologique afin de définir en toute transparence les performances environnementales de l’offre actuelle de voitures essence et diesel (Euro6d-Temp) et dont les résultats ont été publiés fin 2020.
> Le projet Rhapsodie 2, lauréat de l’appel à projets Ademe Cortea 2019, a démarré en septembre 2020. Les émissions d’un véhicule à motorisation diesel satisfaisant la norme Euro 6d-ISC (In-Service-Conformity) sont étudiées dans le but d’évaluer l’impact de l’introduction de différentes bases de bio-carburants et taux d’introductions dans un gazole. Différentes conditions de roulage seront reproduites au banc à rouleau et la phase urbaine sera particulièrement approfondie. Les résultats devraient être disponibles fin 2021.
Projet Rhapsodie : résultats détaillés
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Les moyens
Trois berlines compactes de même modèle, équipées de motorisations essence injection directe avec et sans filtre à particules (GPF) et diesel avec fonction SCR sur filtre à particules (SCRF), ont été sélectionnées pour leur représentativité du marché automobile français actuel et à venir afin d’en évaluer les émissions gazeuses et particulaires, qu’elles soient réglementées ou non. Le véhicule essence sans GPF satisfait la norme Euro 6b, les véhicules essence et diesel avec filtres sont conformes à la norme Euro 6dTEMP.
Les évaluations ont été réalisées au moyen d’un banc à rouleau à IFPEN en suivant différents cycles de test : WLTC (Worldwide harmonized Light vehicles Test Cycles), CADC (Common Artemis Driving Cycle) et une version modifiée du cycle RDE (Real Driving Emissions). Les carburants utilisés étaient des produits standards, essence E10 et gazole B7.
Les émissions mesurées concernaient les polluants particulaires, les espèces chimiques gazeuses réglementées (CO2, HC, CO, NOx) et d’autres ne faisant pas l’objet d’une réglementation. Les HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques) et leurs dérivés nitrés et oxygénés (nitro- et oxy-HAP), présents à la fois dans les phases gazeuse et particulaire, ont également été quantifiés.
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Les résultats
A noter : dans les résultats présentés ci-après et sauf mention contraire, les émissions polluantes moyennes du véhicule diesel prennent en compte l’ensemble des cycles mesurés, y compris ceux incluant une régénération du SCRF.
Emissions de gaz à effet de serre
Du point de vue des émissions de gaz à effet de serre, lors des cycles WLTC initiés à température ambiante, les trois véhicules émettent davantage de CO2 que les valeurs déclarées pour l’homologation (obtenues sur cycle NEDC). Les émissions de N2O varient peu avec les conditions de démarrage ou de roulage et s’établissent à moins de 1 mg/km pour les deux versions essence et de 5 à 8 mg/km pour le diesel. Les émissions de CH4 représentent dans tous les cas moins de 20 % des hydrocarbures imbrûlés, soit moins de 5 mg/km.
Emissions de gaz polluants réglementés
Du point de vue des émissions de gaz polluants réglementés, quel que soit le cycle, les émissions de CO et d’hydrocarbures imbrûlés (HC) sont inférieures aux limites fixées et la motorisation diesel est la moins émissive. Le modèle essence Euro 6dTEMP présente des émissions de NOx ne dépassant pas 20 mg/km, très inférieures à la limite d’homologation et à celles des deux autres véhicules, tandis que le véhicule diesel n’en émet pas plus de 80 mg/km (limite fixée par la norme). Parmi ces NOx, les émissions de NO2 des trois véhicules peuvent atteindre 20 mg/km.
Emissions de gaz polluants non réglementés
Des émissions de gaz non réglementés ont aussi été mesurées. Les émissions de NH3 des deux véhicules essence s’établissent entre 4 et 22 mg/km selon les conditions de test. Celles du modèle diesel atteignent 13 à 40 mg/km. Les émissions de SO2 des véhicules à essence se situent entre 2 et 4 mg/km et apparaissent sensiblement proportionnelles à la consommation de carburant. Avec le modèle diesel, dont les températures échappement sont plus faibles, une part du SO2 est adsorbée continûment sur les catalyseurs puis désorbée lors des régénérations actives du SCRF ; les émissions moyennes s’établissent à moins de 2 mg/km. Les émissions de formaldéhyde (CH2O), inférieures à 3 mg/km, ont principalement lieu lors des premières dizaines de secondes de cycles débutés à température ambiante. Les modèles essence montrent aussi des émissions d’acétaldéhyde (C2H4O), inférieures à 1 mg/km.
Emissions de particules
Les émissions de particules ont été mesurées en nombre (PN) et en masse (PM). PM et PN≥23 (nombre de particules solides supérieures à 23 nm) sont toujours inférieurs aux limites fixées par les normes, les deux modèles équipés de filtres (GPF ou SCRF) étant bien moins émetteurs que le véhicule essence Euro 6b (sans GPF). Le comptage additionnel des particules entre 2,5 nm et 23 nm accroît ce nombre total ; sa quantification est toutefois imprécise en raison de la probabilité accrue pour ces diamètres que des particules volatiles soient prises en compte avec le protocole actuel de conditionnement de l’aérosol.
Les émissions en nombre de particules (PN≥23) du véhicule diesel sont accrues lorsque se produit une régénération active du SCRF, sans toutefois que la limite normative de 6.1011 part./km ne soit dépassée.
Les émissions de HAP, nitro- et oxy-HAP s’échelonnent de quelques microgrammes à environ une centaine de microgrammes par kilomètre, et sont à plus de 90 % composées d’espèces en phase gazeuse. Lors des démarrages à température ambiante, les émissions de HAP et dérivés gazeux des deux modèles essence sont environ dix fois supérieures à celles de la version diesel. Le naphtalène est le composé majoritaire (55-90 %) pour tous les véhicules mais des différences en termes de profils chimiques sont observées selon les véhicules.
Les émissions particulaires de HAP et dérivés issues du véhicule essence Euro6b sont largement supérieures à celles des Euro 6dTEMP essence et diesel, munis de filtres à particules. Les marqueurs classiques sont retrouvés pour ces HAP particulaires avec une prédominance ou une signature chimique caractéristique, pour les modèles essence, de benzo[g,h,i]perylène, d’indéno[1,2,3-cd]pyrène et de coronène (HAP particulaires lourds) et de benzanthrone (oxy-HAP particulaire), et pour la version diesel, des benzofluoranthènes (HAP particulaires), de 9,10-anthraquinone (oxy-HAP) et de 1-nitropyrène, de 2-nitro-9-fluorenone, et de 2-nitrofluorene (nitro-HAP particulaires). L’utilisation de facteurs d’équivalence toxique (TEF) permet de convertir en concentrations équivalentes en benzo[a]pyrène (B[a]P) l’ensemble des émissions de HAP : les émissions B[a]P-équivalentes des deux modèles essence, similaires, sont deux à trois fois supérieures à celles du véhicule diesel.
Aucun impact significatif du dispositif Stop & Start n’est mis en évidence sur les émissions des véhicules évalués. Aucune régénération active du GPF n’est observée avec le véhicule essence Euro 6dTEMP au cours de son évaluation, la régénération continue étant le principal mode de traitement des particules filtrées, à l’inverse du SCRF du modèle diesel. Les régénérations actives du SCRF n’ont représenté que 2 % du temps total de roulage et 3,6 % de la distance parcourue (43 km - quatre événements - sur les 1206 km réalisés lors de nos tests). Ces phases induisent cependant des surémissions pour certains polluants, parfois importantes, jusqu’à représenter la majorité des émissions totales pour PN≥23 et pour le CO.